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Beaucoup de blanc pour rien

Beaucoup de blanc pour rien

Uyuni - Bolivie

avril 162008

Jour trois cent vingt-neuf. Levés avant l’aube, frigorifiés comme il se doit par l’air sec du petit matin. Les premiers pas sur la croûte du “Salar” nous procurent les mêmes sensations qu’une ballade sur un chemin de neige tassée. Même crissements sous une semelle qui se sent tout à coup très légère. Le sol est d’un bleu polaire sous un ciel qui vire à l’orange. On sautille sur place pour se réchauffer. Le soleil se lève, grosse boule de feu sur l’horizon.

Le Land Cruiser fonce sur l’immense étendue blanche. L’impression d’être en mer, de rouler sur l’eau tel des Jésus Christ en 4×4. Les repères visuels disparaissent, nous voici dans une autre dimension, le grand blanc, un endroit à part perché à plus de trois mille sept cent mètres d’altitude, douze kilomètres carrés de platitude virginale.

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Le “Salar de Uyuni” est l’une des attractions touristiques majeure du pays. Mais il attire également la convoitise de nombreux rapaces occidentaux et chinois. La faute au lithium dont les sols du “Salar” abritent le tiers des réserves de la planète. La demande au niveau mondial est si forte, (notamment pour la production de batteries en lithium-ion pour le marché de l’informatique et de la téléphonie) que depuis 2003, le prix de ce métal est passé d’environ 350 dollars la tonne, à près de 3000 dollars en 2008. Le gouvernement socialiste d’Evo Morales l’a bien compris. Il vient de lancer un projet d’exploitation de ce minerais à large échelle dans la région d’Uyuni,en interdisant toutes concessions aux sociétés étrangères. L’incomparable richesse du sol tranche ici avec l’extrême pauvreté de la population, la Bolivie étant le plus pauvre pays du continent sud-américain.

Nous nous arrêtons à proximité d’une “île” pour le petit-déjeuner. Alors que Felicia, en jupette et chapeau melon traditionnel, sort les brûleurs pour chauffer le café et préparer le repas de midi, nous en profitons pour grimper au soleil sur le gros monticule de corail parsemé de cactus géants qui se dresse devant nous.

Colchani vers midi. Maisons de sel et de pisé, une église décrépie en bordure d’une place du village désertique. Quelques affiches électorales déchirées. “Evo Président, le peuple vaincra !” Des lignes électriques croisent le fer avec d’improbables antennes TV délicieusement tordues et pointant vers le ciel.

Une fratrie de porcelets reniflant entre les rails guette le moindre déchet à se mettre sous la dent. Là-bas quelques très jeunes hommes chargent du sel à la pelle dans une semi-remorque décatie. Partout, les petits cônes blancs attendent que le soleil les vide de leur humidité. Le sel, c’est l’autre richesse de la région. Le “Salar” c’est une réserve estimée à dix millions de tonnes d’or blanc.

A Uyuni, chef lieu de la région, nous quittons nos chauffeurs et notre cuisinière. Les Spice Girls quant à elles sautent dans le premier bus pour continuer leur périple post-collégial.

Avec Odette et Christian, nous nous trouvons une chambre dans une pension située derrière la caserne d’un régiment de cavalerie. Le son des tambours et trompettes militaires nous accompagne pendant la sieste.

En soirée, nous marchons jusqu’au sud de la ville pour visiter un étrange cimetière de train. Carcasses rouillées sur fond de solitude. Lumière dorée pour ces dizaines de locomotives sans vapeurs qui nous rappellent que ce coin de pays était l’un des noeuds ferroviaires le plus important du continent. Jonction des lignes arrivant de La Paz au nord, d’Antofagasta sur la côte chilienne à l’ouest, de Potosi à l’est et de Villazon (près de la frontière argentine) au sud.

Le soleil se couche sur les rails et les gravats. Le vent du soir s’en vient agiter les milliers de sacs plastiques pris dans les épineux. Odeurs de poubelles et de pisse, les faubourgs déjà. Quelques ivrognes nous toisent du regard. On ne s’attarde pas. Le son du tambour, la jeune sentinelle au casque blanc, les fils de fers barbelés. Notre petit tour dans le Sud-Lipes s’achève.

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El Cóndor Pasa

El Cóndor Pasa

Pena Blanca

avril 152008

Jour trois cent vingt-huit. A l’aube, les moteurs tournent déjà et les chauffeurs grattent la couche de glace qui s’est formée pendant la nuit. La lumière sur la lagune est féerique, la sensation de froid, stupéfiante. Nous reprenons la route pour nous arrêter rapidement devant de petits geysers.

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Frémissements de boues gluantes ou l’odeur de souffre est bien présente. L’activité volcanique est intense dans la région. Nous traversons le désert du Siloli. Rochers isolés aux formes surréalistes dont le célèbre “Arbol de Piedra”, l’arbre de pierre.

Lacs colorés, volcans, plateaux arides et ciel bleu, quelques vigognes et beaucoup de flamands roses. A midi, nous déjeunons chez un berger. En dégustant notre soupe, nous apercevons au loin les fumerolles qui lèchent les flancs du volcan Ollagüe (5’870m). Devant la cabane, des pattes et ossements de lama traînent un peu partout. Sur le toit de chaume, se dresse une grande croix en bois rafistolée.

Leoncio, nous montre une boule de lichen d’un vert presque fluorescent. La “llareta” est un lichen d’altitude très dur qui résiste au gel et au sel. Composée d’une multitude de fleurs microscopiques, il peut vivre quatre à cinq siècles et ne pousse que de cinq millimètres par an. Les indigènes le fendent avec une hache. Cette plante qui contient une espèce d’essence de térébenthine est un combustible exceptionnel dans une région où il est plus facile de trouver du borax que du bois de feu.

Nous traversons une voie de chemin de fer en bordure d’un désert de sel. Ces rails relient depuis 1873 la ville minière d’Uyuni en Bolivie à l’Océan Pacifique dans le port chilien d’Antofagasta. En 1879, la Guerre du Pacifique éclate entre le Chili, le Pérou et la Bolivie. En 1884, les boliviens perdent leur département du Littoral qui était leur unique accès à la mer. Coup dur pour les mines, les chiliens se frottent les mains.

San Juan, plus tard dans l’après-midi. Un village perdu sur les bords du grand lac salé. Des rues balayées par la poussière et le vent. Une église, une école, un semblant de terrain de football qui fait le bonheur des gosses. De vieux “pick-up” américains, rouillent tranquillement au soleil. Dans le désert alentour, pousse miraculeusement l’incroyable Quinoa, base de l’alimentation andine.

A l’heure du coucher de soleil des camélidés se dessinent en ombres chinoises sur fond de “Salar” incandescent. Une jeune femme suivie d’un gros chien pouilleux ramène un troupeau de lamas au village de Pena Blanca où nous passons la nuit.

Pendant le repas du soir, nous assistons au triste spectacle de mêmes qui viennent souffleter dans leurs sikus pour ramener quelques monnaies à la maison. Malaise de part et d’autre dans le groupe. Faut-il encourager ce genre de gag ? Pour la plupart d’entre nous, il s’agit de notre première dépense en territoire bolivien. Les billets tombent à défaut de ferraille. “El Cóndor Pasa ” même martyrisé par des enfants sans enthousiasme peut rapporter gros aux familles du village.

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Borax

Borax

Laguna colorada

avril 142008

Jour trois cent vingt-sept. Près d’une cahute en pisé qui sert de poste frontière, le drapeau bolivien claque au vent glacial de l’altiplano. A quelques mètres de là, une carcasse d’autobus fait office de latrines. Au loin, le volcan Licancabur se dresse, majestueux, comme un triangle posé sur un plateau brun aux herbes rases.

Nous faisons la connaissance de nos guide et chauffeurs. Leocio pilotera le Land Cruiser bordeau. Marcus et son épouse Felicia roulent dans un Land Cruiser blanc impeccable qui servira de cuisine roulante à toute l’équipe pour ses deux jours de voyage à travers la province du Sud-Lipes.

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Nous voyageons avec Odette et Christian, nos deux amis suisses rencontrés à San Pedro de Atacama. Nous partagerons les véhicules avec trois hollandais en vadrouille et quatre jeunes anglaises frigorifiées.

Comme sur une autre planète, nous traversons des paysages irréels parsemés de lagunes blanches, vertes et rouges. Le sol regorge de borax, de magnésium et autres minerais qui colorent ces lacs d’altitude où s’ébrouent des centaines de flamands roses.

Petit arrêt pour une trempette dans un bassin où l’eau sort à plus de trente-cinq degrés Celsius. Agréable moment, les oreilles glacées et le corps bien au chaud dans notre baignoire naturelle à plus de quatre mille mètres d’altitude.

En fin de journée, nous regardons le soleil se coucher sur la “Laguna Colorada”. Les bourrasques provoquent des nuages de borax, petites taches blanches sur les flots moutonnés et orangés.

La température, tout comme la nuit, tombe brusquement. Nous nous installons dans les baraquements d’un ancien complexe électrique. Felicia nous prépare une soupe chaude. Les chauffeurs quant à eux protègent les capots des véhicules avec d’épaisses couvertures. Nous sortons nos gants, bonnets et autres sous-vêtements thermiques. La soirée va être très froide. Nos quatre “Spice Girls” britanniques quant à elles, n’ont pas jugé utile de s’encombrer de vestes et autres sacs de couchage. Elles en rigolent en se serrant les unes contre les autres en attendant que ça passe. La goutte au nez, nous entamons avec Odette et Christian un match aux cartes endiablé avant de nous glisser dans nos duvets.

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On a marché sur la Lune

On a marché sur la Lune

San Pedro de Atacama

avril 132008

Jours trois cent vingt-trois à trois cent vingt-six. Les formalités douanières sont expédiées en quelques minutes au col de Jama, à plus de quatre mille deux cent mètres d’altitude. Nous voici donc de retour au Chili, au nord d’Antofagasta, dans le désert d’Atacama. Les terres les plus arides de la planète. Un ciel bleu d’une pureté incroyable chapeautant des immensités de sables et de roches rouges-oranges.

Ici, l’horizon est barré à l’est par une ligne volcanique, marquant la frontière avec la Bolivie et l’Argentine. Les volcans frôlent les six mille mètres, entourés de lagunes turquoises, de geysers et de canyons encaissées. En plus des classiques mines de fer et de cuivre, l’endroit abrite aussi le plus gros spectroscope du monde situé sur un haut-plateau à cinq mille cent mètres au-dessus du niveau de la mer. L’ALMA c’est son nom, est composé d’une soixantaine d’antennes géantes qui envoient des ondes dans l’espace pour tenter de percer le mystère de la création des planètes.

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Ce désert est réputé dans le domaine de l’astronomie en raison de la sècheresse extrême du lieu ainsi que de l’absence de pollution lumineuse. C’est aussi dans le coin que la NASA a testé les véhicules qui se promènent à l’heure actuelle sur Mars. Nous en profitons pour passer une nuit la tête dans les étoiles, écoutant les explications d’un astronome français, installé à deux pas du village depuis plusieurs années. Il organise des sessions d’initiation à l’astronomie, tentant d’inculquer quelques notions de bases aux touristes de passage. Expérience incroyable, où l’on savoure l’humour pince sans rire du bonhomme autour des six énormes télescopes pointés vers la Lune, Saturne et les autres.

Un autre jour, seuls sur la dune, nous dominons la “Valle de la Luna”, incroyable plateau désertique perdu à quelques kilomètres de San Pedro. La nuit va bientôt tomber. C’est le moment choisis par les tour-opérateurs pour déverser leur cargaison de badauds. Nous avions préféré découvrir le coin à vélo, loin de la foule et des odeurs de crème solaire. Dure et belle journée, toute en chaleur et sueurs. Au retour, l’ombre de nos bicyclettes vacille sur le bitume sous la lumière de la lune.

Plus tard à Toconao, petit bourg poussiéreux à l’entrée du salar. Trois croix de bois et un antique camion Ford délabré pour accueillir les étrangers. Des vieux pick-ups américains qui ronronnent dans les rues étroites. Le beffroi de l’église et ses bois de cactus. A quelques encablures de là, une tranchée verte, La “Quebrada de Jerez”, un petit vallon au fond duquel serpente un ruisseau. Havre de paix et de fraîcheur. Végétation luxuriante, arbres fruitiers, quelques plans de vignes et un réseau malin de canalisation datant paraît-il de l’époque inca.

Petite cour intérieure, hamac, soleil. On passe du bon temps à San Pedro, village pourtant très touristique. La rue principale regorge d’agences et autres restaurants pour gringos. Il suffit pourtant de s’éloigner de quelques centaines de mètres du centre pour retrouver les paysages arides, les maisons en pisé et cette magnifique lumière rasante sur fond de cônes enneigés.

L’occasion de faire de jolies rencontres. Hedda et Michaël, une anglaise et un californien qui voyagent depuis deux ans et avec qui nous avions sympathisé dans le Torres del Paine. Cécile et Vincent, un couple de français partis depuis la Nouvelle-Calédonie planche de surf sous le bras. Quelques suisses aussi. Sandra qui vient du Locle et Odette et Christian, une fribourgeoise et un bernois amateurs de chibre avec qui nous décidons de traverser le Salar d’Uyuni en Bolivie. Mais ça, c’est déjà une autre histoire…

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Arrière-pays
avril 92008

Jours trois cent dix-huit à trois cent vingt-deux. On quitte la “Panamericana” pour tirer à droite sur une petite route de terre défoncée et poussiéreuse. Un plateau aride et légèrement vallonné sur lequel on zigzague entre les ornières des camions et les gros cailloux, en serrant les fesses pour ne rien casser sur notre VW Gol de location. A Hipolito Irigoyen, un gosse se propose moyennant finance de nous guider pour passer un gué un brin compliqué. Nous passerons sans encombres et il repartira avec quelques monnaies en poche.

Le chemin se fait de plus en plus difficile. Une longue montée, en première vitesse. De nombreux passages de torrents, une route par moment boueuse où tout arrêt est interdit. On roule fenêtres ouvertes et chauffage à fond pour évacuer la chaleur du moteur.

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Quatre mille mètres d’altitude, “Abra del Condor”, le col, enfin. Nous n’aurons croisé aucun véhicule durant toute la grimpette. Pause, radiateur au vent et capot ouvert.

Nous nous approchons intrigués d’un tas de pierre encombrés de déchets en tout genre. Briques de vin rouge, paquets de biscuits, cigarettes, bouteilles de bière, fleurs séchées qui sont autant d’offrandes à une vierge au sourire énigmatique, peinte maladroitement sur un rocher.

Du haut de notre crête, nous admirons les lacets de terre qui plongent dans la “Quebrada de Iruya”. Au loin, nous distinguons le nuage de poussière soulevé par une petite voiture. Dans la descente, nous nous arrêtons pour discuter avec ses passagers. C’est ainsi que nous faisons la connaissance d’un couple de suisses (de Villars) perdu comme nous dans les montagnes argentines !

Après avoir passablement raclé notre châssis lors de trop nombreux passages de ruisseaux, nous arrivons enfin à Iruja. Soixante-six kilomètres de ballade pour quatre heures de conduite un peu limite avec une bagnole aussi basse que la nôtre.

Iruya. Un village accroché à sa montagne et encerclé par de violents torrents. Une place devant l’église ou quelques vieillards discutent en chassant les clébards avec des gestes lents. Des ruelles étroites et pavées de pierres glissantes. Nous nous dégottons une pension dépeuplée et tenue par une grand-mère bienveillante.

Le lendemain, nous décidons de rejoindre le hameau de San Isidro à trois heures et demie de marche plus au nord. Un vétuste cabot nous prend en sympathie et se jure de nous accompagner dans notre vadrouille malgré une vilaine blessure à la patte qui la fait claudiquer (c’est une dame) méchamment.

La seule voie d’accès à San Isidro et le lit de la rivière. L’unique route a été emportée il y a bien longtemps par les intempéries embarquant dans sa chute la ligne électrique et le téléphone. La population emprunte donc chaque jour ce chemin caillouteux pour se rendre à l’école, chez le médecin ou faire ses courses. Les plus âgés se faisant aider par un âne, les plus fougueux à dos de cheval. Notre animal de compagnie d’un jour n’en peu plus. La langue tirée, la chienne se couche à chaque zone d’ombre, nous suppliant du regard de faire demi-tour. Gâteux, nous lui filons notre quatre heures.

Le sentier s’engage sur les flancs du rio, contournant des à-pics vertigineux. Nous dérangeons des bandes de bourricots qui broutent tranquillement sous les eucalyptus. Nous arrivons à San Isidro vers midi et nous arrêtons pour boire un verre dans un troquet improvisé. Le patron du lieu semble tout content d’avoir de la visite et nous sort son album photo. Il se met à nous commenter les scènes de carnaval, la montée du bétail à “l’alpages”, les ballades sur les sommets. Tout y passe. Nous goûtons à quelques abricots un peu vert et jetons un oeil à la blessure de notre toutou. La plaie s’est ouverte et saigne légèrement. L’animal nous regarde avec un air un peu triste. Séniles, nous lui cédons nos derniers biscuits.

A l’heure du départ, nous regrettons de ne pas avoir apporté nos sacs de couchage. Nous aurions bien passé la nuit dans ce petit village de trois cent âmes, complètement coupé du monde.

De retour à l’auberge d’Iruya, nous tentons de désinfecter la blessure de notre pataud. A l’approche de la Betadine, le bâtard effrayé grogne et s’enfuit en clopinant. Merci pour la ballade !

Un peu échaudés par la casse kirghize de notre joint de culasse et alertés par une tache suspecte sous le moteur de la Gol, nous guignons sous son capot. Bonne idée ! Le vase d’expansion était vide. Nous rajoutons donc deux litres d’eau dans la machine et la déplaçons à la main de quelques mètres pour voir si la trace réapparaît.

Le lendemain, nous constatons que la voiture ne perd pas de flotte. Nous nous mettons en route. À la sortie du village, une déviation nous fait emprunter le fond du cours d’eau. La Gol ramasse du gravier à la pelle. Quatre heures plus tard, nous retrouvons avec joie le bitume de la panaméricaine qui nous reconduit jusqu’à El Carmen où nous avions réservés une chambre dans notre pension adorée.

Nous retrouvons ainsi le monde “civilisé” et sa télévision, TV5 Monde, Julien Lepers et le téléjournal suisse. Etrange. Les meilleurs représentants de la culture francophone sur les réseaux câblés sud-américains sont “Questions pour un champion” et “Les Chiffres et les Lettres”.

Le matin, nos hôtes nous offrent un petit-déjeuner gargantuesque ainsi qu’une petite bouteille remplie de sable d’Ambra Pampa en guise de cadeau d’adieu.

A midi, nous retrouvons Salta et sa grisaille. Nous rejoignons l’agence de location de voiture en évitant les flaques pour ne pas salir une Gol fraîchement nettoyée.

Dernière soirée en Argentine. Nous la passons au restaurant, goûtant une ultime fois aux délices des ses viandes et de ses vins.

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Sel, vigognes et adobe

Sel, vigognes et adobe

Florida, Purmamarca, Jujuy, Argentina

avril 42008

Jour trois cent dix-sept. Nous contournons le chef-lieu de la province en empruntant “l’autopista” qui grimpe dans une sorte de “Val Maggia” en plus large et plus verdoyant. Au détour d’un virage, le panorama change du tout au tout. Nous revoici en plein western spaghetti. Canyons pelés, cactus et bourricots. Nous entrons dans la “Quebrada de Humahuaca”. La région est à la frontière de la Bolivie et du Chili.

La route grimpe méchamment jusqu’à un col à plus de 4164 mètres d’altitude. La vue y est étourdissante. Des mamelons parsemés d’herbes rases et balayés par les vents. A cette altitude, on distingue encore, à l’abris dans de petits vallons, quelques cahutes, des bergers avec mulets et moutons.

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Descente. Un orage se prépare sur l’altiplano argentin. Nous traversons les “Salinas Grandes” et nous nous arrêtons pour faire les zazous dans cette immensité blanche. A l’heure de la soif, nous nous mettons en panne dans un village perdu en bordure du salar. Ruelles fantômes, tornades de sable entre les adobes, des sacs à puces somnolent à l’ombre du clocher. Quelques cochons grognent dans leurs enclos. Deux gosses jouent aux billes devant un “comedor” improbable. Accueil convivial, empanadas croustillantes, soda américain sur fond de tango grésillant.

Sur le bord de la route, un troupeau de vigognes nous observe en mâchouillant. C’est animal proche du lama mais non-domestiqué avait presque disparu au début des années septante. Depuis, une loi sévère en interdit la chasse et l’espèce revit. Sa laine est très réputée et parmi les plus chères du monde (bien plus chère que l’alpaca).

Re-col, re-descente. Au milieu du chemin, nous nous stoppons pour mettre en boîte une grosse araignée poilue et…écrasée. Nous jetons l’ancre dans le très joli bourg de Purmamarca. Ici, les locaux semblent avoir compris que l’architecture traditionnelle en pisé peut être traitée de manière contemporaine. Les projets d’hôtels design fleurissent pour le plus grand plaisir des touristes.

La colline derrière l’église se pare d’un extraordinaire dégradé de couleurs du terracota au vert tendre. La nuit tombe sur ce patelin-écrin et la température chute violemment. Nous nous réfugions dans un restaurant magnifique pour déguster des plats de la région à base de quinoa et de gros haricots verts.

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Canyon

Canyon

El Carmen, Jujuy, Argentine

avril 32008

Jour trois cent seize. Le lendemain, nous mettons le cap au nord et empruntons la route 68 en direction de Salta. Les vignobles cèdent la place à d’étranges dunes de sable beige qui parfois viennent s’épancher sur l’asphalte. Le décor change soudainement pour se farder de rouge et de brun. Nous entrons dans la “Quebrada de Cafayate”, impressionnante gorge aux rochers de milles couleurs, formes hallucinantes, amphithéâtre de caillasse, rio asséché et cactus démesurés.

Dans l’après-midi, nous traversons Salta pour rejoindre la province de Jujuy. Au sortir de la ville, nous longeons une grosse rivière qui ondule dans un lit de galets gris et sombres. Comme une impression de déjà vu, un panorama de vallée tessinoise. La route très étroite glisse sur les flancs de reliefs recouverts d’épaisses forêts.

Nous arrivons à la tombée de la nuit à El Carmen. Le camping semble abandonné, piscine vide et herbes hautes. Le gardien du lieu nous ouvre un bungalow duquel sortent deux clébards rachitiques. L’odeur de moisi nous saute à la gueule au moment où nous pénétrons dans une chambre glaciale et plongée dans une ambiance de film d’horreur. Nous remercions le cerbère pour sa sollicitude et tentons notre chance au centre du village.

Nous parquons la Gol devant une petite auberge à l’enseigne toute biquette. Le propriétaire nous accueille chaleureusement et nous fait la visite. Nous découvrons ainsi, à mille lieues des circuits touristiques la meilleure adresse de tout notre périple. Chambre géante et lumineuse, lit douillet, eau chaude à profusion, propreté impeccable, télévision câblée et prix gentil. Le bonheur.

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Fausses plaques pour vrais suisses
avril 22008

Jour trois cent quinze. La petite Gol prend la poussière sur une “Ruta 40” cassante à souhait. Nous traversons des paysages secs et lunaires, des défilés rocheux aiguisés par les vents et l’érosion. Dans la “Quebrada de las Flechas”, les éperons se dressent vers le ciel dans un même élan.

Ici, tout semble avoir été conçu pour piquer et aiguillonner. Des cactus par milliers aux buissons d’épineux, des cailloux à crevaison aux serpents à sonnettes.

Puis la vallée s’élargi pour laisser la place aux vignobles de Cafayate. C’est ici que l’on produit notamment le fameux vin blanc “Torrontes”.

Sur la place du village, nous sommes intrigués par un véhicule de camping tout terrain trimballant de fausse plaques minéralogiques zurichoises.

Nous échangeons quelques mots (en anglais…) avec le couple Baumann, retraités suisses-allemands qui tournent autour du monde depuis quatre ans avec leur Iveco Turbo Daily 4×4 complètement aménagé. Nous leur posons des tonnes de questions en prenant des notes et retenons qu’au-delà de la Turquie, les plaques helvétiques sont inutiles, car les assurances de notre bon pays s’arrêtent aux portes de l’Orient. Malin, Monsieur Baumann, roule donc avec des imitations qui font merveilles à tous les postes frontières sans en payer les frais.

A la nuit tombée, serrés sous notre minuscule tente de montagne, nous rêvons à voix haute d’aventures familiales et mécanisées sur les cinq continents.

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Passages de gués
avril 12008

Jour trois cent quatorze. Il suffit de quitter la ville de Salta lotie au fond d’une cuvette pour retrouver le soleil. Le paysage devient plus sec et caillouteux, mais les récentes pluies rendent les passages de gués parfois difficiles. Dans un virage, un torrent, rapide et brunâtre traverse la route, charriant avec lui de gros cailloux invisibles. Quelques véhicules sont arrêtés sur le bas côtés, les conducteurs scrutant les eaux boueuses en discutant de la meilleure trajectoire à adopter. Nous nous joignons au petit groupe en rigolant.

Un groupe d’excursionnistes abrutis au volant d’un énorme pick-up de location traverse la gouille à fond de train arrachant au passage une protection sous le châssis. Ils ne stopperont même pas pour constater les dégâts, laissant le bout de plastique au milieu de la chaussée. Un indigène se lance, prudemment, de l’eau jusqu’à la calandre de sa vieille Ford Falcon. Il passe. Sous le regard de nos nouveaux amis, en première vitesse, lentement mais sûrement, nous traversons le rio. Ouf !

Le ruban de gravier grimpe à travers la Quebrada de Molino. Nuages gris et montagnes vertes olive. Nous passons la Piedra de Molino (3347m) en plein brouillard. S’ensuit un plateau parsemé d’immenses cactus traversé par une ligne de bitume de quatorze kilomètres surnommée la “Recta de Tin-Tin”. Au détour d’un virage nous retrouvons la Cordillère des Andes et le sommet enneigé du Nevado del Cachi (6380 m).

La route redescend dans une belle vallée légèrement plus verdoyante. Sous les fenêtres des maisons en pisé sèchent les piments rouges. Les bourricots braient sans discontinuer dans leurs enclos. L’impression de voyager dans le temps. L’ambiance du “zorro” de notre enfance. Ne manquent plus que le Sergent Garcia et Don Diego de La Vega.

Nous arrivons à Cachi. Cette petite ville de sept mille deux cent habitants nous charme immédiatement. Eglise blanche au toit en bois de cactus. Sur la “Plaza” fleurie comme pour un spectacle d’Alain Morisod trône la vague statue d’un illustre héros de la nation. Autour des échoppes quelques chiens errants lèvent la patte sur des bagnoles parquées ici et là. Un gaucho à cheval traverse ce tableau la clope au bec.

Sur les hauts du patelin, nous découvrons un camping de rêve au milieu d’un verger. Nous montons la tente avant de sympathiser avec un groupe de voyageurs français. Nous passerons la soirée à nous échanger anecdotes et autres bons plans.

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Barrages

Barrages

Salta

mars 312008

Jours trois cent douze et trois cent treize. Derrière les semi-remorques à l’arrêt, la lueur vive des pneus brûlés illumine les charrues entreposées sur la chaussée, bloquant tout passage depuis deux semaines. Les paysans énervés campent sur le bas-côté dans des caravanes improvisées. Leurs enfants, postés à l’avant du barrage, téléphone mobile à la main, font la circulation, laissant passer autobus et voiture au compte goutte.

Nous arrivons à Salta au petit matin sous une pluie torrentielle. Palmiers, architecture coloniale, rues encombrées et circulation déjantée.

Nous parcourons les agences de location de voiture pour nous dégotter la VW Gol (sans le “F”) qui nous servira de carrosse sept jours durant.

En soirée, nous salivons d’émotion lorsque le garçon du “Restaurant de la Poste” nous sert le “Biffe de Chorizo” et le petit Malbec qui va avec. Jamais, nous n’aurons mangé une viande aussi tendre et succulente.

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Grèves, tennis et puma
mars 302008

Jours trois cent dix à trois cent douze. La carte de l’Argentine est scotchée aux murs de la cuisine, de gros cercles tracés au marqueur rouge indiquant les positions des barrages routiers. La télévision vomit son lot de nouvelles et d’images de paysans en colère. Les “Cortes del Campo” (la grève des agriculteurs) bloquent tous les accès aux grandes villes. Les supermarchés ne sont plus approvisionnés depuis deux semaines.

Pour contenir les prix à l’intérieur du pays et pour tenter d’enrayer la quasi mono-culture du soja dans le pays, mais aussi pour garnir son portefeuille, le gouvernement a décidé d’imposer une réforme sur les taxes agricoles. Tollé. Les quatre syndicats agricoles se sont exceptionnellement réunis pour lutter contre cette révision.

Du coup, la situation devient critique à Buenos Aires. La présidente dans un discours à la nation refuse de céder et le ton se durcit des deux côtés. Dans la capitale, les ménagères en colère sont descendues sur la Plaza de Mayo, casseroles et ustensiles à la main frappant sur le métal dans un boucan d’enfer. Un tel mouvement populaire n’avait pas eu lieu depuis la faillite de 2001. Les routes du nord bloquées, nous avons la chance de pouvoir rester un peu plus longtemps à Posadas dans notre super famille d’accueil.

Sur les bords de la rivière, nous rendons visite à Ruben qui organise un tournoi dans le club où il travaille en tant que professeur de tennis. Terre battue, soleil d’automne, jurons des joueurs et le maté qui passe de main en main dans les rangs des spectateurs. On deviendrait presque accrocs.

Petit tour par l’Aéroport international de Posadas “Libertador General José de San Martìn”. L’activité sur le tarmac n’est pas trop intense. Deux à trois vols par jour. Nous sommes absolument seuls dans le terminal admirant les vitrines de pierres précieuses et les statues des militaires tombés lors du conflit des Malouines.

En fin de journée, nous nous rendons avec Ana-Maria et Luciana dans un centre de réhabilitation de la faune. Quelques constructions éparses, de petites cages, des enclos. Ici, avec des moyens limités, un vétérinaire et quelques aides tentent de soigner puis de relâcher des animaux blessés ou capturés par la population. Le toucan retrouvera bientôt sa liberté, lui qui avait été mis en cage par quelques imbéciles pour faire joli. Les deux jaguars pourchassés par des bergers et sauvés d’une mort certaine par le centre ne verront plus jamais la jungle de leur enfance. Trop gros et désormais inadaptés à la vie sauvage. Idem pour le triste puma qui longe les grilles de sa taule à longueur de journée. Nous sommes épatés par le “zorro del Chaco” ou loup à crinière, sorte de renard monté sur échasses et passant son temps dans les marais à chasser les petits rongeurs, oiseaux, insectes et poissons. On ressort du parc un peu cafardeux, le centre manque cruellement d’argent et de soutient. La plupart des animaux sauvés par l’équipe ne sortiront plus jamais.

Dernière soirée avec les Blanchard. Ruben nous fait découvrir le Torrontes, vin blanc fabuleux, provenant de la région de Cafayate. Nous goûtons aux meilleurs empanadas du pays et partageons une dernière fois le maté avec nos hôtes.

Ana-Maria, Ruben, Luciana, Marite, merci à vous tous pour votre accueil et votre gentillesse !

Pretty, merci à toi pour l’organisation (à distance) de ces magnifiques rencontres.

Au revoir Posadas !

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Bordertown

Bordertown

Encarnacion

mars 272008

Jour trois cent neuf. Posadas, ville frontière. L’énorme pont “San Roque Gonzalez de Santa Cruz” traverse le rio Parana reliant ainsi la capitale de la Province de Missiones à la ville d’Encarnacion au Paraguay. Trafics et magouilles. Des dizaines de motocyclettes traversent la rivière à longueur de journée acheminant ainsi des cigarettes de contrebande, boîte par boîte en argentine.

Le Paraguay est après la Bolivie le pays le plus pauvre du continent. Des guerres à répétition suivies de trente-cinq années de dictature militaires talonnées par des dizaines de gouvernements corrompus ne lui ont jamais permis de sortir la tête de la fange. Les élections qui s’annoncent voient un ancien président de droite (ex-bagnard et vrai voleur) affronter un candidat de gauche (ex-évêque et vrai socialiste). Le pays va-t-il suivre la voie ouverte par les Lula, Chavez et autres Morales ?

Sur l’autre rive, Ana-Maria nous promène dans le quartier du marché. Des centaines d’échoppes bazardent tout et rien, du vrai et beaucoup de faux à des prix défiants toute concurrence. De l’iPhone désimlocké (un truc de geeks) au service à maté en cuir (un truc de beauf), des chaussettes de tennis en six-packs à l’écran plasma tout est à vendre dans ce fourbi aux couleurs et ambiances très orientales.

C’est ici que les argentins venaient faire leurs emplettes avant le marasme économique de 2001. L’après 11 septembre est très mal vécu. Les capitaux fuient le pays à tout berzingue ce qui précipite le système bancaire dans une grave crise. Afin d’éviter le chaos, le ministre de l’économie de l’époque limite les retraits d’argent à 250 pesos par semaine pour empêcher la population de changer toute sa monnaie en dollars. Cela provoque le courroux de la classe moyenne qui est ruinée par la très forte inflation. Grève générale, manifestations et répressions policière. Près de trente personnes y laisseront leur vie. En dix jours, quatre présidents se succèdent au pouvoir et le gouvernement se déclare en état de cessation de paiement. Le système de parité entre le peso argentin et le dollar ricain est abrogé. Sept ans après ces évènements, l’émotion est encore forte dans la population et la situation commence tout juste à s’améliorer.

Le temps de tamponner notre passeport et nous revoici en Argentine. On discute trafics et malversations. La rumeur circule dans la région que la principale compagnie de bus (dirigée par un trio de politiciens argentin, brésilien et paraguayen) serait le plus gros convoyeur de drogue entre les trois pays. Les bus jaunes et bleus possèdent même un terminal privé, à l’extérieur de la ville de Posadas, bien à l’écart des contrôles de la flicaille.

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Mission

Mission

Posadas

mars 262008

Jours trois cent sept à trois cent huit. A notre retour d’Iguazu, nous faisons la connaissance d’Ana-Maria et de Ruben. C’est l’occasion de goûter à une parillada exceptionnelle préparée par le chef de famille. Côtes de boeuf et de moutons, morcillas (saucisses de boudin noir cuisinées avec du riz et des piments) et chorizo (saucisse relevée par de l’ail et des piments également). Superbe soirée, animée par de vives discussions sur le thème de la politique argentine.

Le lendemain, Marite et Luciana nous emmènent à la découverte de l’ancienne mission jésuite de San Ignacio Mini. Jolie balade dans les ruines de ce qui fut, il y a quatre cent ans de cela une incroyable réussite sociale et économique.

En 1610, la « Compagnie de Jésus » arrive dans la région avec bible et sandales et s’en vient agacer le colon espagnol en s’opposant au système esclavagiste. Les hommes de Dieu créent des « réductions », sorte de villages dans lesquels les indiens guaranis sont alphabétisés, christianisés et surtout libérés du joug des propriétaires terriens.

Des chutes d’Iguazu aux murs délabrés de San Ignacio, ne manque plus que la musique d’Enio Morricone et la gueule démente de Robert de Niro pour replonger dans l’ambiance magistrale du film « Mission » de Roland Joffé.

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Les gouttelettes ridicules

Les gouttelettes ridicules

Puerto Iguazu - Argentine

mars 252008

Jours trois cent cinq à trois cent sept. Elles forment la frontière entre le Brésil et l’Argentine. Certain les disent plus impressionnantes que les chutes du Niagara. Notre première impression des cataractes sera malheureusement entachée par la foule et la chaleur. Apprécier la beauté des chutes d’Iguazu en se faisant marcher sur les pieds et en se prenant les coups de coudes de milliers de touristes n’est pas si facile. Drôle d’idée que de s’aventurer du côté brésilien en plein Dimanche de Pâques…

Sur le chemin du retour, notre chauffeur freine brusquement pour éviter un énorme serpent noir et jaune qui sortant de sa jungle décide de traverser la route devant nos roues. Quelques minutes plus tard, le soleil se couche et nous plantons la tente dans un verdoyant camping. Une certaine hésitation se fait sentir. A chaque pas, le gnous (très inquiet) tape lourdement des pieds pour faire fuir les hypothétiques reptiles.

Le lendemain, c’est avec une certaine appréhension que nous partons cette fois du côté argentin du parc national d’Iguazu. Nous faisons la connaissance des coatis après seulement quelques mètres de marche. Ce petit animal omnivore, à la longue queue rayée se balade en bande sur les sentier du parc, promenant son museau rigolo à proximité des touristes. Mais la situation est trompeuse. La bestiole est en voie de disparition, en grande partie à cause des humains. De nombreux panneaux informent en quatre langues les visiteurs qu’il est strictement interdit de les nourrir et de les toucher (ils peuvent en mourir). Malheureusement et c’est bien connu, une jolie photo de vacances vaut mieux que la survie d’une espèce.

De passerelles en sentiers de terre rouge, nous flânons au milieu de centaines de papillons aux couleurs arc-en-ciel. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à apprécier la dense végétation, la chaleur et l’humidité qui règne dans la région. Les crocodiles font aussi partie du décor.

Un petit train diesel, qualifié « d’écologique » par les administrateurs du parc nous emmène vers les grandes chutes. Elles en imposent. Elles sont là , devant nous et nous pouvons enfin les contempler sans nous faire bousculer. Tous les badauds sont sur le chemin du retour, partis dans la nuit.

De retour au campement, après avoir fait quelques brasses dans la piscine, nous faisons la rencontre d’un couple. Lui est argentin, elle espagnole et ils vivent tous les deux à Mar del Plata, station balnéaire au sud de Buenos Aires. Ils sont ici afin d’acheter de la terre pour le camping qu’ils vont bientôt ouvrir là -bas. Ils nous conduiront gentiment à notre station de bus, quelques kilomètres plus loin, histoire de nous éviter une belle transpirée dans cette moiteur tropicale.
Dans l’après-midi, nous regagnons la ville de Posadas. Nous y avions laissés une partie de nos bagages deux jours auparavant dans l’appartement de la famille Blanchard. Ana-Maria, Ruben et Luciana nous attendent pour notre première « parilla », mais cela est une autre histoire…

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Fissures

Fissures

Estacion de Peaje Piedritas - Argentine

mars 222008

Jours trois cent trois et trois cent quatre. Le gros bus jaune n’ira pas plus loin. La police refuse de le laisser continuer sa route vers Posadas. La faute à un pare-brise fissuré de bas en haut. La chose n’est pas rare dans un pays où une grande partie du réseau routier est composée de « ripio » (route de graviers tassés). Tous les bus avec lesquels nous avons voyagé avaient la vitre remplie d’impacts de cailloux projetés en l’air par les camions et autres véhicules.

Alors quelle est donc la raison de cet excès de zèle de la maréchaussée en plein week-end de Pâques ? Il y a de quoi se poser la question. Surtout qu’arrêtés sur l’aire de péage de Piedrita, nous aurons tout le loisir d’observer les pullmans des autres compagnies foncer vers Posadas le vitrage lézardé, comme de bien entendu.

Cet arrêt inopiné à quatre cent kilomètres de notre destination nous semble bien louche. Peut-être s’agit-il d’une guerre entre entreprises de transport. Un remake du combat entre nordistes et sudistes. Celles du nord protégeant leur territoire en soudoyant les gendarmes pour ne pas laisser passer celle du sud. Cela ne serait pas étonnant dans un pays où la corruption est malheureusement reine.

Nous attendrons sept heures durant que l’entreprise « Tramat » puisse libérer un nouvel autobus pour nous l’envoyer dans notre cambrousse, perdue à quelques encablures de la frontière uruguayenne.

Pendant ce temps-là , à Posadas, Luciana s’inquiète. Elle nous attendait pour treize heures. A dix-huit heures, elle n’a toujours pas de nouvelles de notre part. Sur notre parking improvisé, la téléphonie mobile nous montre une fois de plus ses limites.

Vingt-trois heures. Nous arrivons enfin à destination. Luciana nous rejoint à la gare routière, accompagnée de sa cousine et de son oncle qui nous conduiront au centre-ville. Nous sommes hébergés par la famille Blanchard, dont l’un des fils, Pretty, est un ami des parents de Valérie. Pretty vit en Suisse, à Morges où il est professeur de tennis. Ses parents, Ana-Maria et Ruben profitent des fêtes de Pâques pour passer quelques jours de vacances au Brésil. C’est donc sa soeur Luciana qui nous guidera pour nos premiers jours dans la Province de Missionnes.

Le lendemain, nous préparons notre balade vers les chutes d’Iguazu à deux cents kilomètres de là . En soirée, nous faisons la connaissance des amies de Luciana et de Marite, la mère de l’une d’entre elles. Marite nous fait découvrir le magazine des suisses de l’étranger, « La Revue Suisse », belle publication en espagnol qu’elle reçoit régulièrement en tant que « suisse de l’étranger ».

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Buenos Aires – La bucolique

Buenos Aires – La bucolique

Tigre - Argentine

mars 202008

Jour trois cent deux. Le canot-moteur sillonne les canaux du delta comme un autobus en pleine ville, s’arrêtant à chaque pontons pour décharger son lot de passagers et en embarquer d’autres. Les saules pleureurs trempent leurs lourdes et vertes branches dans les eaux boueuses du Rio Paranà.

Les gazons sur les rives sont impeccables, les propriétés imposantes et élégantes, bien que parfois un peu décrépies par les intempéries et les débordements du fleuve.

Nous ralentissons à l’approche de l’impressionnante bâtisse gothique du club d’aviron italien. Depuis plus d’un siècle, la bourgeoisie de la capitale vient à Tigre pour y passer ses fins de semaine au vert et à l’abri de l’agitation de la ville.

Ballade dans le « Puerto de frutos » réputé pour son marché dominical. En semaine, l’ambiance y est plutôt calme. Assis sur les quais, nous grignotons une « hamburguesa de chorizo » en lorgnant les bateaux qui déchargent leur cargaison de bois.
Dans les échoppes du petit port, tous les commerçant se sont passés le mot pour vendre du mobilier de style oriental. La mode, toujours la mode. Imitation de meubles thaïs et laos. Bouddhas géants de décoration. Et tout cela « Made in China » bien évidemment.

« 1 de 26 »

Veille du Vendredi saint à la gare routière de Retiro. Agitation. Foule. Retards. Un bus arrive toutes les minutes. Le notre se fait attendre. L’occasion d’observer les argentins au départ d’un week-end prolongé. Thermos d’eau chaude sous le bras, ils suçotent tous leur bombilla (sorte de paille métallique) en tenant fermement la calebasse remplie à ras bord de yerba maté. L’infusion de maté (ou thé des Jésuites) est un des éléments marquants de la culture argentine. On boit le maté partout, tout le temps et à plusieurs. Sur les écrans de la salle d’attente, le présentateur du journal télévisé se prépare son infusion entre deux nouvelles.

Nous apprenons ainsi que les agriculteurs du pays commencent à bloquer les accès aux grandes villes pour faire entendre leur mécontentement au gouvernement. En pleines fêtes de Pâques, la circulation risque donc d’être très difficile.

Minuit, notre mastodonte jaune quitte enfin le terminal de Retiro pour le nord du pays et la province de Missiones. Au revoir Buenos Aires !

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Buenos Aires – La citadine

Buenos Aires – La citadine

Buenos Aires - Argentine

mars 192008

Jour trois cent un. Des rues piétonnes qui ne désemplissent pas. Sur Florida, la foule est encore plus compacte qu’ailleurs. On se faufile de magasins en librairies, sans que la fièvre acheteuse ne nous tombe dessus. Une allée de fringues et de grandes enseignes. Un Zara à côté d’un C&A, un McDo à quelques encablures d’un Burger King. Le schéma se répète de pays en pays, de ville en ville. Intrigant et si navrant.

Le « Museo Nacional de Bellas Artes » vient de rouvrir après rénovation. Degas, Monet, Turner, Van Gogh, Picasso, ainsi qu’un Pollock et un Rothko qui nous laissent sans voix. Réjouissances. Promenade dans le jardin japonais avoisinant qui malheureusement, n’a plus grand-chose d’oriental.

« 1 de 7 »

Dans le quartier de Recoleta, au « Centro Cultural Borges » notre helvétique confédération sponsorise une exposition montée par la Maison Européenne de la Photographie et le Musée de l’Elysée de Lausanne sur René Burri. Les grosses et belles affiches du « Che » cigare au bec rivalisent ironiquement dans les rues avec le sourire niais de l’autre pasteur oxygéné de la propagande américaine.

Palermo, le quartier à la mode. Le café y est plus cher, les robes plus courtes et les lunettes à soleil plus grosses. Etrange.

Petit souper à la maison. On suffoque dans le patio en attendant l’orage. Eclairs et tonnerre se déchaînent sur les platanes.
Petite sieste dans notre chambre en écoutant tomber la pluie. Soudain, un type grassouillet et transpirant ouvre notre porte. Surpris de nous voir là , il bredouille. Il cherche la carte SIM de son téléphone portable que le vent aurait glissé sous notre porte. Bizarre. Quelques instants plus tard, nous remarquons que la clef de notre cambuse a disparu. Salopard ! Ne pouvant pas l’accuser sans preuves, nous décidons par précaution de vider les lieux au petit matin en laissant tous nos bagages à la réception. Pièce vide, la clef réapparaîtra. Le gros lard l’ayant trouvée comme par hasard dans la matinée. Eh oui, les voleurs sont aussi en vacances.

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Buenos Aires – La capitale

Buenos Aires – La capitale

Buenos Aires - Argentine

mars 172008

Jours deux cent nonante-neuf à trois cent. Douze million et demi d’habitants pour un pays qui en compte trente-neuf. D’un point de vue urbanistique, le meilleur comme le pire se côtoient à Buenos Aires. Les beaux et grands boulevards, les superbes parcs et musées, les statues des libérateurs avec sabre et cheval flirtent avec de sordides bidonvilles.

Les anciens docks de « Puerto Madero » sont un bel exemple de rénovation éclairée. Les bâtiments de briques rouges abritent désormais une université ainsi que de multiples restaurants et autres bars branchés.

Un superbe trois mat à vapeur est ancré dans le bassin numéro trois. La frégate « Presidente Sarmiento » est ouverte au public. Construite à Liverpool pour la marine argentine en 1897, elle effectua plus de trente-neuf tours du monde comme navire école avant d’être transformée en musée en 1961. On embarque. Le gnous saute de joie, la maroufle elle, hausse les épaules.

Petit passage sur la Plaza de Mayo. Ici, tous les jeudis à quinze heures trente, un groupe de femmes appelé « Les Mères de la Plaza de Mayo » se retrouve pour tourner autour du monument central avec une photo des maris et enfants disparus pendant les années de dictatures militaires (1976-1983).

A quelques mètres de là , nous nous arrêtons devant la « Casa de Gobierno ». La maison rose abrite les bureaux de Cristina Elisabet Fernandez de Kirchner, Madame la Présidente de la Nation. « La Cristina » comme ils l’appellent ici. Fanfare militaire et défilé. Agents de sécurité et équipes de télévision. La Cheffe de l’Etat doit recevoir quelqu’un d’important. Mais qui ? Nous attendons un moment avec les badauds devant les grilles du palais avant de quitter les lieux trop affamés pour patienter plus longtemps.

« 1 de 14 »

L’invité mystère de la gouvernante officie un peu plus au nord, sur la place de l’Obelisco où des milliers de personnes assistent au show d’un prédicateur évangéliste. Luis Palau, c’est son nom, a donc rendez-vous avec Cristina. Sa photo est partout. Son sourire étincelant s’affiche sur des publicités géantes dans le métro, sur les bus et dans la rue. Les TV et tous les journaux annoncent l’événement depuis des semaines. Incroyable puissance marketing pour une messe gratuite et revivifiée par de nombreuses stars du rock et du showbiz argentin. Mais d’où tient-il donc tout cet argent ?

Luis Palau est né en Argentine en 1934, mais il vit depuis des années à Portland aux Etats-Unis. Beaucoup d’observateurs le voient comme le successeur désigné d’un autre sermonnaire célèbre mais désormais sénile, le pasteur américain Billy Graham, gourou spirituel d’une belle lignée de présidents yankees. D’Eisenhower à Nixon, de Lyndon B. Johnson à Gerald Ford, de Jimmy Carter à Ronald Reagan sans oublier Bill Clinton et bien évidemment Bush père et son vénéneux rejeton. Billy les a tous envoûtés, pour le bien de la planète, cela va sans dire. Alors Luis Palau, ne serait-il pas le nouvel émissaire de la CIA pour l’Amérique latine ?

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Buenos Aires – La bohème

Buenos Aires – La bohème

Buenos Aires - Argentine

mars 162008

Jours deux cent nonante-six à deux cent nonante-huit. Dans le « micros » pétaradant qui nous emmène à l’auberge, un petit monsieur gominé et cravaté nous prend en sympathie. Il nous écrit l’adresse de son bistrot préféré au dos de sa carte de visite. Nous découvrons ainsi une jolie cour intérieure avec quelques arbres qui nous protègent d’un soleil de fin d’été. L’occasion d’un premier contact avec la « vraie » cuisine argentine. Un « biffe de chorizo », gigantesque et ineffable filet de boeuf accompagné d’un petit Malbec du coin. On adore. Et pour tout arranger, les prix sont enfin raisonnables.

Nous habitons au centre du quartier de San Telmo, rue du Chili. La pension est sympa, construite autour d’un patio et de terrasses sur de multiples niveaux. Dans notre chambre, un balcon donne sur l’artère très animée de jour comme de nuit.

Le dimanche, on flâne dans les échoppes du marché aux antiquaires. On rêve de décoration d’intérieur, de bibendum Michelin en céramique et autre enseignes Good Year des années trente. On zieute d’un air distrait les danseurs de tango pour touristes.

Dans un parking couvert désaffecté, un groupe de funk fait trembler la charpente métallique. On adore et on le leur dit.

Petit déjeuner, café serré et journal local. Le « Clarà­n » parle beaucoup de football. Un supporter de vingt et un ans s’est fait abattre après le match par un débile de l’autre clan. La routine.

Après deux jours, on connait la plupart des petits commerçants de « notre » rue. Nous développons aussi une certaine aptitude à éviter les trop nombreuses déjections canines qui jalonnent les trottoirs.

Nicolas fait des statistiques très intéressantes. « Tu t’imagines, à Buenos Aires, sept Peugeots sur dix sont des 504 ! » N’importe quoi.

On se cuisine un gratin de pommes de terre comme à la maison avec beaucoup de crème et d’ail, accompagné d’un morceau de viande comme seuls ils savent les faire par ici.

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Une petite balade en bus

Une petite balade en bus

En route vers le Nord - Argentine

mars 132008

Jours deux cent nonante-trois à deux cent nonante-cinq. Une lumière rasante sur la pampa. La ligne droite de bitume se perd à l’horizon pour se fondre dans un ciel couleur de feu. Les couchers de soleil patagoniens sont toujours des moments exceptionnels. Le bus quitte Rio Gallegos en direction de la capitale. Une lente remontée vers le nord qui durera plus de quarante heures si l’on compte le trajet depuis El Chaltén.

Trois mille kilomètres dont les deux tiers au milieu du grand rien. Une étendue morne et plate. Aucun arbre, quelques herbes basses et jaunes, un vent d’ouest qui souffle en permanence balayant tout sur son passage.

Et dire que nous aurions dû prendre l’avion. Pour le même prix, un Boeing 737 d’Aeroli­neas Argentinas nous aurait emmené d’El Calafate à Buenos Aires en trois heures. Nous avions même une confirmation de vol dans notre poche.

C’était sans compter sur la politique de prix très discriminatoire de la compagnie. Les prix affichés sur leur site internet étaient réservés aux argentins. Pour nous autres petits suisses, il fallait débourser le double ! De rage, nous avons pris un billet de bus…

« 1 de 8 »

En presque deux jours de voyage, nous aurons pu combler notre manque de cinéma. Sept longs métrages dont quelques chefs-d’oeuvres et pas mal de séries Z. Bon pour la tête tout cela, surtout lorsque le film est en version originale sous-titrée en espagnol.

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Rongeur(s)

Rongeur(s)

Massif du Fitzroy - Argentine

mars 102008

Jours deux cent nonante et un et deux cent nonante deux. Du sommeil en tranches. Se réveiller toutes les minutes dans un sac de couchage humide. On gèle. Sans les couvertures « empruntées » à la Quantas, nous n’aurions pas fermé l’oeil de la nuit. Il y a aussi ce petit bruit, lancinant, agaçant, comme un grignotement. Certainement des souris. En parfaits campeurs, nous avions prévu l’arrivée des rongeurs et suspendu la sacoche à victuailles et les déchets à une branche. L’animal doit donc s’attaquer à des voisins. On se rendort, pour sortir la tête du duvet cinq minutes plus tard, énervés par un bruissement de sac plastique.

« C’est toi qui fais ce bruit ? » demande l’un.
« Non, je croyais que c’était toi » Répond l’autre.

On se replie en boule sur le matelas. Le sol est glacé. On ferme les yeux pour somnoler un moment avant que le grignotement ne revienne suivi de bruits de pattes sur la toile. Nicolas sursaute, une bestiole vient de lui passer sur le visage à toute vitesse. Hallucination totale, la tente est parfaitement fermée.

« 1 de 19 »

Debout avant l’aube, ne pouvant plus dormir par ce froid, nous accueillons avec joie l’arrivée du soleil qui vient éclairer un Cerro Torre complètement dégagé. Spectacle magique. Le pic s’éclaire l’espace d’un instant de reflets rouges et oranges.
De retour au camp, nous déjeunons rapidement en gardant les gants et bonnets. La besace à nourriture est intacte. Nous avons dû rêver de rats de montagnes et autres souris des Andes.

En démontant la tente pour la faire sécher, nous remarquons un trou de cinq centimètres de diamètre dans la toile inférieure. Les bouchons de nos gourdes et les tirants de fermetures éclairs de la porte (qui sont faits du même plastique) sont mordillés de partout. Le cabas qui abritait notre tube de dentifrice et les brosses à dents dans les poches intérieures de la tente est déchiqueté. Les rongeurs étaient donc parmi nous.

Nous nous remettons en route. En contournant les Lagunas Hija et Madre nous apercevons enfin le massif du Fitzroy. Une dizaine de lames acérées pointées vers le ciel et entourées de cumulus. De vraies montagnes de cinéma, belles et inquiétantes. Nous arrivons au Campamento Poincenot et plantons notre hutte en face du géant. Transis par le froid, nous nous préparons immédiatement une soupe pour nous réchauffer. Nous soupons en regardant la nuit tomber sur les crêtes. Les dégâts des souris sont réparés avec un peu de toile isolante et nous déplions nos couvertures de survie en aluminium sur le sol pour nous protéger du frimas. Tous les objets en plastiques sont suspendus, bien à l’abri des mulots.

Le lendemain, nous nous levons tôt pour admirer le Fitz et ses satellites dans la lumière de l’aurore. Les parois abruptes se colorent l’espace de quinze secondes.

Après le petit-déjeuner, nous grimpons vers la Laguna de Los Tres pour contempler le massif de plus près. Nous restons un long moment silencieux devant ce tableau. Ces montagnes dégagent quelque chose de particulier, elles en imposent. Sur le chemin du retour, nous sympathisons avec un américain de soixante ans qui voyage sac à dos avec son fils.

En fin d’après-midi, nous retrouvons le village d’El Chaltén, sa poussière et ses courants d’air. Nous nous dégottons une pension flambant neuve et très sympathique et passons notre soirée à discuter avec un couple polonais qui termine comme nous son tour du monde en Amérique du Sud. Discussions animées jusqu’à tard dans la nuit en biberonnant des tasses de l’infâme mixture soluble et veveysanne qui nous sert de café.

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Martina et la grande aventure du dehors

Martina et la grande aventure du dehors

Massif du Fitzroy - Argentine

mars 82008

Jour deux cent nonante. Le sentier ondule à travers l’ancien lit de la rivière creusant une ornière poussiéreuse entre les massifs de lengas. C’est alors qu’ils sortent du bosquet à la queue-leu-leu. Nous nous arrêtons sur le bas côté pour les laisser passer. Le guide tout d’abord nous salue d’un « hola » machinal et très argentin. Appelons-le Esteban si vous le voulez bien.

Esteban
Chemise à carreaux retroussée jusqu’aux manches, la petite quarantaine, teint mat et des lunettes de soleil d’un autre âge derrière lesquelles on devine un regard perçant. Son sac à dos semble plus volumineux que celui du reste de l’équipe.

Esteban est inquiet. Son patron va gueuler. C’est qu’il a esquinté la portière droite du Defender contre une branche de coigüe. Le slogan de l’agence a morflé. Les belles lettres jaune sur fond blanc sont désormais à peine lisibles. « Patagonia – Discover a world of adventure » qu’ils avaient écrit. Tu parles.

« 1 de 22 »

Esteban accélère le pas. Il a hâte d’arriver à la « Estacion del Condor ». Ce sera la fin de cette semaine de randonnée. Bien sûr, il faudra qu’il passe sa soirée avec le groupe. Rigoler évasivement à leurs plaisanteries, trinquer, échanger les adresses, leur dire qu’ils ont bien marché et tout et tout… Mais il sait aussi qu’Alberto viendra mettre l’ambiance avec son béret, sa guitare et ses allures de gaucho. Et son « cordero à la parilla » sera forcément succulent.

Esteban force l’allure. Son sac est plus léger sans cette putain de bouteille et les chorizos qu’il trimbalait depuis le départ. « Esteban ! Il faut qu’ils enjoyent la Patagonian hospitality ! » lui avait-dit le boss. Il leur avait donc fait la surprise de la topette et du sauciflard au sommet du dernier col. Déjà qu’il se trimbale les déchets de toute la clique. C’est aussi ça l’éco-tourisme.

Klaus
Klaus, le suit à quelques encablures. Il nous murmure un « hello » en souffletant, les mains crispées sur le boîtier de son appareil photo qui tapote dans un incessant va et vient sur son torse. La sangle du Nikon lui scie le cou. Peut-être n’était-ce pas une si bonne idée que d’emmener avec lui son quatre cent millimètres. Cinq kilos d’optiques à porter pendant sept jours. Tout cela pour un gros plan de lama pris depuis la jeep. Et en plus on l’avait corrigé. « Ce n’est pas un lama c’est un guanaco » lui avait dit Martina.

Klaus est préoccupé. Voilà bientôt une semaine qu’il n’a pas pu vérifier le cours de ces actions UBS. Cette randonnée tombe vraiment au pire moment. Mais, il l’avait bookée depuis des mois. Et qui aurait pu prédire de si mauvais résultats pour une banque suisse. Klaus est maudit. Il y a quelques années, il avait déjà perdu un paquet de pognon lors d’un safari au Kenya. Les avions suisses étaient cloués au sol et le titre de Swissair se cassait la gueule. Bon, il s’absentera pendant le repas du soir ou pendant le spectacle de danse folklorique pour profiter de la connexion satellitaire de l’Estancia.

Klaus a les jambes un peu molles. Le coup de rouge bu au sommet, ou peut-être les quatre tablettes de Micropur qu’il a balancé dans sa gourde par précaution.

Inge, Hans, et Sonia
Le reste de la troupe nous croisera sans un mot, le regard dans le vague.

Martina
Un raclement métallique nous incite à patienter encore un peu en bordure du sentier. Vous vous souvenez du bruit de vos bâtons de ski lorsqu’ils frottaient sur le carrelage glissant de votre HLM à touristes lors de vos dernières vacances de neige ?
C’est Martina qui pointe sa frêle silhouette au bout du chemin.

Martina est agacée. Elle ne pensait pas que cette semaine de marche en Patagonie serait si difficile. « Sur les traces des gauchos, découvrez la pampa et les pics les plus majestueux de l’hémisphère sud » avait-elle lu dans Femina. Elle pensait que son entrainement hebdomadaire de Nordic Walking sur les bords du Léman serait suffisant pour affronter les sentiers argentins. Au moins, avait-elle déjà les sticks.

Martina est soucieuse. Elle a oublié de dire au guide qu’elle était végétarienne et elle vient de s’apercevoir en relisant attentivement le programme du voyage qu’une soirée grillade était prévue le dernier soir dans la cour de l’Estancia. Elle avait eu de la peine avec le chorizo lors de la pause sur les hauteurs du défilé. L’estomac en patraque, elle avait dû s’arrêter à l’improviste à côté d’un torrent pour un besoin pressant. En oubliant dans sa précipitation que l’on ne défèque pas à proximité d’un cours d’eau où le reste des randonneurs vient s’abreuver. Elle avait également omis de reprendre son PQ avec elle, mais elle avait une excuse, c’est le guide qui portait la poubelle. Et puis le papier recyclé doit mettre moins de temps à se bio-dégrader n’est-ce-pas ?

Martina est énervée. Elle a du retard sur le reste de l’équipe. Personne ne l’attend. Elle a trop chaud, ses jambes sont lourdes et ses alpenstock de titane la gênent dans les fourrés.

Martina s’arrête à notre hauteur, toute rouge et dégoulinante. « C’est triste ce que vous faites » nous dit-elle.
On se regarde interloqués. « Pardon ? »
« C’est triste ce que vous faites, marcher comme cela en dehors du sentier, vous piétinez la flore ! »

Les gnous
Nous reprenons notre chemin sans voix. Parfois, il y a vraiment des coups de bâtons qui se perdent.

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Crac crac, plouf plouf

Crac crac, plouf plouf

Glacier Perito Moreno - Argentine

mars 52008

Jours deux cent huitante-six et deux cent huitante-sept. Des relents de moisi et d’ail. Des auréoles jaunâtres sur la cuvette des W.-C. Ici, la poussière a du mal à cacher la couleur « vert-hôpital » des murs. Bienvenue à l’Albergue Guerrero d’El Calafate.

Première étape sur le sol argentin et déjà l’envie de fuir au plus vite. La ville, créée de toute pièce pour accueillir le touriste, pratique des prix de fous. Ce qui n’est pas pour déplaire à tous ces cons très « Megève attitude » venus dépenser leurs dollars et se faire peur dans les boutiques et autres agences d’aventures en plein air.

« 1 de 14 »

Pas étonnant du coup que l’on nous réclame plus de quarante francs suisses par personne pour aller voir LE glacier Perito Moreno. C’est avec un goût amer que nous alignons tout de même les pesos et que nous embarquons avec le reste du bétail, dans l’un des nombreux bus qui relie la ville au Parc National de Los Glaciares.

Une heure et demie plus tard, il est là , devant nous et il en impose. Le géant un peu timide au début sous un ciel voilé, se met à nous dévoiler tous ces charmes lorsque les premiers rayons de soleil font leur apparition.

Un monstre de cinq kilomètres de long. La hauteur de la glace est de cent septante mètres, dont soixante sont émergés. Le Perito avance d’environ deux mètres par jour et à certains endroits son épaisseur atteint les sept cent mètres.

D’immenses blocs de sorbet bleutés se détachent des parois pour s’écraser dans les eaux du Lago Argentino. L’impact, violent, fait un bruit de tonnerre. Il en ferait presque trembler les passerelles d’observation sur lesquels tout le monde se presse pour immortaliser la scène.

On reste là pendant des heures, accoudés à la barrière admirant ce spectacle inouï en se souvenant avec tristesse que chez nous, le glacier du Rhône a quasiment disparu…

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Torres del Paine – Jour 8 – Base des Torres
mars 12008

Jour deux cent huitante trois. Soleil et nuages. Dernier petit déjeuner. Nous laissons les sacs au camping pour monter à un point de vue sur les Torres. Neuf kilomètres aller et retour. Quatre heures et demie de marche.

Pressés d’en finir, nous mettons peu de temps pour grimper le long du Rio Ascencio jusqu’au promontoire situé juste au-dessous des tours de granit.

Quelques cumulus s’accrochent au Torre Central. De temps à autre, elles nous apparaissent toutes les trois éclairées par de rares rayons de soleil qui leur donnent un bel aspect orangé.

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Alfred et Nicolas redescendent comme des fusées. A dix-sept heures, toute l’équipe est de retour au camp.

Deux heures plus tard, le bus vient nous chercher pour le retour à Puerto Natales. Cent dix kilomètres à travers la pampa à la tombée de la nuit. Dernier coup d’oeil à ce massif montagneux exceptionnel. Quelques guanacos nous regardent passer tranquillement. Valérie n’est pas au mieux de sa forme et vomi dans le bus ! Elle retrouvera avec plaisir les bains chauds et les gros duvets de la pension « Nancy » pour une nuit de sommeil réparatrice.

Le reste de la troupe finira la journée au « Masai », restaurant de la ville réputé pour ses sandwichs chauds à la mode chilienne.

Un molosse de quinze centimètres de haut confectionné avec deux tranches de pain, deux de boeuf, un oeuf, du fromage, du jambon, de l’avocat, etc. Indigestion obligatoire après huit jours de bouffe du taulard.

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Torres del Paine – Jour 7 – Refugio Las Torres
février 292008

Jour deux cent huitante deux. Soleil. Ciel azur parsemé de nuage au réveil. La nuit fût fraîche, très fraîche. On se réveille trempés par la condensation. La préparation du café est le premier geste de la journée. Un vrai petit plaisir. Moins amusant, nous lavons la vaisselle de la veille dans le lit de la rivière avec du gravier. Les mains gelées, nous démontons la tente et nous mettons rapidement en marche pour nous réchauffer. Après cinq minutes d’efforts, il est déjà temps de tomber les vestes et autres bonnets.

Nous arrivons sur les bords du Lac Nordenskjöld, où nous nous perdons dans des buissons aux alentours d’une belle plage de galets.

Le temps d’un pique-nique au soleil à l’Auberge Los Cuernos que nous voici pris dans une tempête de pluie et de vent. Cela dure cinq bonnes minutes puis le ciel bleu revient.

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Quelques traversées de torrents héroïques plus tard et nous voici de retour à notre point de départ. La boucle est bouclée.

Au Campamento Las Torres, les feux de camps sont autorisés. Grosses flammes et grillades pour notre dernière nuit dans le parc et notre ultime soirée tous ensemble.

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Torres del Paine – Jour 6 – Campamento Italiano
février 282008

Jour deux cent huitante et un. Le vent et la pluie de la nuit ont nettoyé puis séché tout notre équipement. Nous déjeunons copieusement avant de repartir. Aujourd’hui sans trop savoir pourquoi, les pas sont pénibles à aligner. Fatigue ?

Après avoir longé le Lac Skottberg, nous entrons dans la Vallée Del Francés en longeant le rio du même nom. Nous accédons au Campamento Italiano par un pont suspendu et plantons notre tente entre de grosses racines sur un terrain en pente. Nous prenons sans attendre le chemin des sommets non sans avoir laissé les sacs au camping.

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Grimpette très pénible dans un pierrier d’où l’on peut observer le Glacier Francés et ses blocs de glace qui se disloquent bruyamment dans la rivière.

Après une montée interminable, nous arrivons à un superbe point de vue sur les massifs du Cerro Paine Grande et du Cuernos del Paine. Patricio nous attend en chauffant une soupe sur son réchaud, bien à l’abri des rochers. Nous sommes frigorifiés par le vent et Nicolas tient une petite forme. Le potage sera salvateur.

A la tombée de la nuit, nous sommes de retour au camp. Nous nous lançons dans la préparation du repas à la lueur des lampes frontales. Alfred, en fin gourmet, qualifie le risotto sauce tomate au menu, de « nourriture de prison ».

Serrés autour des casseroles fumantes et emmitouflés dans quatre couches de vêtements, nous tentons de nous réchauffer dans ce sous-bois humide et gelé, hurlant pour couvrir le bruit du torrent.

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Torres del Paine – Jour 5 – Refugio Lago Pehoe
février 272008

Jour deux cent huitante. La pluie est toujours là et nous refusons de sortir tant que le plic-ploc n’aura pas cessé. Vers dix heures, une petite accalmie nous encourage à quitter le nid. Le joli sable de la veille s’est transformé en une belle bauge noire et collante. Le matériel est trempé et sale. Nous déjeunons à l’abri, sous un arbre et déplaçons la tente pour qu’elle puisse sécher avant de tout plier. Heureusement, nos sacs à dos et nos habits sont au sec. Nous empruntons un petit sentier qui nous emmène sur les bords d’une petite crique ou quelques icebergs sont retenus prisonniers.

La pluie remet ça, mais cela ne nous empêche pas de trinquer au Bailey’s avec des glaçons centenaires.

Une fois la bouteille vide, nous prenons le chemin du Refugio Pehoe à onze kilomètres de là. Cascades, torrents, sentiers à flanc de coteaux, tout cela sous les pics glacés du Cerro Paine Grande. Nous contournons un petit lac où s’ébattent quelques canards avant de plonger au fond d’une jolie vallée en contrebas de laquelle nous distinguons déjà le Lac Pehoe.

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A dix-neuf heures, nous arrivons devant l’imposante bâtisse du refuge. Architecture moderne pour cette « lodge » à touristes friqués. Le camping voisin est pris d’assaut par les nombreux marcheurs qui débutent la petite randonnée dite du « W ». La fatigue se fait sentir. Nicolas grelotte et semble avoir les premiers symptômes de la grippe. Nous montons les tentes face au lac et profitons des derniers rayons de soleil pour les faire sécher.

Une fois n’est pas coutume, nous mangeons dans un local chauffé et bondé alors qu’une petite tempête s’abat sur la région. Trombes d’eau et bourrasques. Deux amis chiliens qui étaient partis de nuit pour rejoindre le Campamento Italiano reviennent trempés jusqu’aux os. Impossible de marcher par ce temps.

Nous nous mettons au lit un peu inquiets. Par moments, l’armature de notre maison de toile se plie sous les attaques du vent dans un boucan indescriptible. Nous dormirons pourtant comme des bébés…avec l’aide de nos tampons auriculaires.

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Torres del Paine – Jour 4 – Refugio Grey
février 262008

Jour deux cent septante-neuf. Petit matin froid et gris. On se lève donc plus tôt que d’habitude et rangeons le bardas avant que la pluie fine qui vient du Cerro Puma ne trempe tout. La balade débute par une grimpette à travers la forêt. Le sentier devient méchamment boueux et pentu et l’on transpire sous une bruine qui joue à cache-cache avec le soleil.

Nous traversons des ruisseaux et de gros pierriers et passons la ligne des arbres. Un boulevard de roches avec un glacier qui nous taquine sur la droite. Dur dur, ça monte terriblement.

Au sommet, Alfred passe le petit monticule de pierre en tête, suivi de Nicolas. Le vent est ébouriffant. Nicolas se trouve un coin à l’abri pour faire chauffer un bouillon. Patricio arrive, suivi de Valérie, Felipe et Karin. On se réchauffe avec la petite soupe avant de poser pour la photo qui immortalisera le passage du col John Gardner.

Devant nous le glacier Grey s’étire sur des kilomètres. Impressionnant malgré les nuages qui nous cachent une partie du spectacle. On attaque le versant sud en se tenant aux rochers tellement les bourrasques sont violentes. La descente est à l’image de la montée, rude. Ne pas glisser. Mettre le poids en avant. Une série d’escalier de bois approximatifs vient finir de nous détruire les genoux. Heureusement, notre esprit est occupé par la vue, sublime, sur un glacier soudainement éclairé par quelques rayons de soleil.

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Après deux heures de dégringolade, nous arrivons au Campamento Paso. Un camping gratuit, dans un talus et sans sanitaire. Pique-nique. A la suite d’un petit vote, nous décidons de continuer notre chemin jusqu’au Refugio Grey. Une folie qui nous fera cumuler deux jours de marche sur un seul. Mais, là -bas, on trouve de l’eau chaude, une plage et de la bière.

S’ensuit une belle et longue cabriole sur les bords du géant de glace, à flanc de coteaux entre des arbres calcinés et battus par les vents. Au fond du ravin des torrents assourdissants ont arrachés toutes les échelles métalliques.

Nous arrivons à dix-huit heures trente au Campamento Guardas. Nicolas et Alfred s’arrêtent un instant sur une moraine pour contempler le Grey dans la lumière de fin de journée. Pics bleus et gris qui se jettent dans les eaux du lac en contrebas. Le Nunatak sépare la mer de glace en deux parties. Vers dix-neuf heures trente, nous arrivons au Refugio Grey.

Plus de dix heures de marche, vingt-deux kilomètres et mille huit cent mètres de dénivelé. Nous sommes cassés mais heureux. Nous plantons les tentes sur une jolie petite plage de sable noir en savourant notre bière, la douche chaude se déguste comme une friandise. Le menu du soir est connu, soupe aux asperges, pâtes et sauce « Alfredo ». A peine sommes-nous couchés que la pluie fait son arrivée.

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Torres del Paine – Jour 3 – Campamento Los Perros
février 252008

Jour deux cent septante-huit. Le ciel est parfaitement dégagé, d’un bleu limpide. Le massif du Paine nous apparait enfin sans un nuage. L’étape du jour sera courte. Neuf kilomètres avec un dénivelé de trois cent septante mètres. Facile. Du coup, on traîne un peu au camping. Nous rangeons le matériel puis prenons des photos en nous baladant au bord du Lac Dickson pendant que les moustiques dorment encore.

A onze heures, nous longeons la gorge du Rio de Los Perros en jetant un dernier coup d’oeil au glacier Ventisquero Dickson dont la glace bleue scintille au soleil.

Nous traversons le Rio Cabeza del Indio sur de jolis ponts suspendus. S’ensuit une promenade de santé à l’ombre d’une forêt de lengas calcinés. Nous nous arrêtons pour une pause pique-nique au bord d’un petit ruisseau. Pain, saucisson, fromage et tentons d’économiser nos vivres, car nous craignons d’avoir été un peu optimiste sur les quantités.

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Une grimpette un peu raide nous emmène au sommet d’une grosse moraine qui sert de barrage à la Laguna de Los Perros. Le glacier du même nom vient finir sa course dans les eaux grises. Nous restons là longtemps en plein vent à contempler le mastodonte. Par moment nous pouvons entendre ses grondements et voir de petits morceaux de glace dégringoler.

Nous arrivons au campement de Los Perros vers dix-sept heures. Une simple cabane au milieu d’un bosquet entouré de deux torrents. On en profite pour faire un peu de lessive. Nous sommes tous morts de faim. On se chauffe une soupe et enchaînons avec un risotto aux asperges. La douche sera glacée. Patricio et Karin auront le courage de se baigner dans la rivière. Valérie de son côté lutte toujours contre la grippe.

On se couche tôt, pour se lever tôt. Le parcours de demain sera rude. Un col à mille deux cent quarante et un mètres avant de redescendre sur le glacier Grey.

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Torres del Paine – Jour 2 – Refugio Lago Dickson
février 242008

Jour deux cent septante-sept. Quatre heures du matin. Nous sommes réveillés par la pluie. De peur de voir nos sacs trempés sous le minuscule auvent nous les rentrons dans la tente. Difficile de retrouver le sommeil dans un espace si réduit d’autant qu’il fait très chaud dans nos couchages.

A neuf heures, la pluie cesse et nous sortons la tête au grand air (ici le soleil se lève à huit heures trente). Le ciel est couvert. Nous déjeunons et replions tout le matériel en profitant des premiers rayons pour faire sécher les toiles et aérer les duvets.
Stretching et dose d’arnica. On se met en route vers onze heures.

Le « zorro » nous observe en baillant dans les herbes hautes. Nous marchons tout d’abord sur les bords du Rio Paine en faisant fuir une escadrille de gros canards qui s’envolent bruyamment.

Nous cherchons parfois notre passage dans les marécages tant le niveau de l’eau est haut. S’ensuit une première montée assez rude qui nous mène directement sur les rives de la Laguna Alexandra, puis plus haut encore à un magnifique panorama. Nous dominons le Lago Paine et une imposante barrière de montagnes. C’est elle qui marque la frontière avec l’Argentine. Nous distinguons au loin une énorme masse blanche et bleue. C’est le glacier Ventisquero Dickson, l’un des bras du gigantesque glacier Hielo Patagonico Sur.

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Le sentier redescend sur les bords du lac et traverse une forêt calcinée. Nous pique-niquons là assis sur des troncs noircis. Patricio nous explique que son pays est sur la bonne voie. L’économie se porte bien et le pouvoir d’achat est élevé. Le Chili est la nation la plus riche d’Amérique du Sud et dispose d’un gouvernement stable et élu démocratiquement.

Les derniers pas se font difficiles, mais la vue est sublime sur les sommets de la Cordillère Paine. Après une courte montée le long d’une moraine, nous tombons soudainement sur le Lago Dickson qui laisse échapper ses eaux grises dans le Rio Paine. En contrebas nous apercevons avec joie le toit de tôle vert du refuge.

A dix-huit heures, nous posons nos sacs à dos. Stretching et arnica. Nous avons parcouru dix-huit kilomètres en six heures. Nous nous cuisinons rapidement une belle ration de pâtes au thon agrémentée de la désormais indispensable sauce « Alfred » que nous mangeons avec nos capuchons tant les moustiques sont féroces. La journée se termine par un carré de chocolat, un café et une douche chaude. Quel bonheur !

Quelques gouttes de pluies viennent effrayer les moustiques. Avant de rentrer dans notre hutte, nous nous régalons en observant ce ciel du sud si particulier, si changeant. Rose un instant, gris strié de noir dans la minute qui suit. Un rayon de soleil éclaire le Cerre Ohnet avant de se faire rétamé par un nuage. Valérie se frictionne de pommade pour lutter contre cette vilaine grippe et nous nous couchons en espérant que la nuit sera plus reposante que la précédente.

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Torres del Paine – Jour 1 – Puesto Seron
février 232008

Jour deux cent septante-six. A six heures du matin, nous sommes réveillés par les rafales de vent sur la tôle de notre pension. Un ciel orange, traversé par des petits nuages sombres éclaire notre chambre. Nous nous affairons aux derniers petits préparatifs et retrouvons Alfred pour le petit-déjeuner avant de monter dans le bus qui nous emmènera dans le parc, cent dix kilomètres plus au nord.

Première confrontation avec la pampa. Mornes étendues jaunes balayées par les vents. Des arbres gris tordus par la pluie et les bourrasques. Des moutons, beaucoup de guanacos (sorte de lamas des plaines qui vivent à l’état sauvage), et quelques nandus (autruches sud-américaines). Les paysages sont dramatiques et majestueux. Nous croisons des gauchos qui fument leur cigarette à l’abris de quelques broussailles, béret vissé sur la tête et le cheval attaché aux branchages.

Le bus s’arrête à une croisée. Deux bâtiments, un bistrot et pas mal de rien.

En sortant du véhicule, nous sommes terrassés par un coup de vent. Le long rectiligne de gravier traverse de multiples mamelons. Au sommet de l’une des buttes, ils nous apparaissent enfin, dressant leur sommets de granit en face de nous. Un arc en ciel éclaire le massif du Cerro Paine Grande et les hauteurs du Combre Principal (3050m). Plus à l’est s’élèvent les Cuernos del Paine et à l’extrémité de la chaîne les tours de granit du Torres del Paine. Nous nous approchons avec une certaine inquiétude de cette énorme masse montagneuse, sombre, torturée et enneigée sur ces hauteurs.

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Nous entrons dans le parc et poursuivons notre route dans un petit minibus jusqu’au refuge « Las Torres », le début de la randonnée.

A côté de nous, se prépare un petit groupe de trois personnes. Karin, une allemande qui voyage avec deux amis chiliens, Patricio et Felipe, habitants à Santiago. Patricio parle un français parfait après plusieurs séjours en France. Nous discutons tous ensemble dans un amusant mélange de langues des différentes options possibles : grimper directement dans la vallée du Rio Ascenso pour admirer les tours le lendemain dans la lumière du petit matin, ou commencer directement la boucle de cent vingt kilomètres qui contourne le massif. La météo ne semble pas très bonne. De gros nuages s’accrochent au « Torres ». Nous décidons donc de débuter la « petite » promenade et de marcher tous les six.

La balade débute par la traversée d’anciennes moraines et de petits canyons entourés de buisson de « ciruelillo » dont nous distinguons les fleurs rouges et fanées sur les bas côtés du sentier. Il fait soudainement beau, le soleil semble avoir gagné son combat contre les nimbes. Les sommets quant à eux sont toujours cachés dans les brumes. Le sentier traverse une jolie forêt avant de descendre sur le Rio Paine. Nous longeons la rivière qui sort de son lit laissant couler des eaux grisâtres sur les herbes blondes.

Après quatre heures trente et neuf kilomètres, nous arrivons au Puesto Seron, un camping improvisé autour d’une cabane construite au centre d’une prairie. Les tentes sont montées sans difficultés et nous nous mettons immédiatement à cuisiner. Alfred prépare une succulente sauce pour les pâtes avec des légumes et de l’huile d’olive et un peu de vin (nous comprenons du coup pourquoi son sac était si lourd). Un « zorro » (renard rouge de Patagonie) nous observe sans peur. Des ibis mandores hurlent sur la colline en face de nous.

Vers vingt et une heures, le soleil se couche et malgré les moustiques qui arrivent par centaines, nous contemplons la scène la gorge serrée. Un ciel chargé de nuages étranges, laisse apparaitre par-ci par là de petites zones bleues et puis tranquillement l’ensemble vire au rose puis au rouge.

On peine un peu à entrer dans notre très petite tente de camping (mais si légère) en espérant que la nuit ne sera pas trop froide et que nos sacs de couchage tiendront leur promesse.

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Préparatifs

Préparatifs

Puerto Natales - Chili

février 222008

Jour deux cent septante cinq. Ce sera donc le grand circuit. Cent vingt-cinq kilomètres. Huit à dix jours de marche en fonction d’une météo souvent très capricieuse par ces latitudes. On gamberge un peu.

Il nous faut apporter avec nous la nourriture pour l’entier de la randonnée. Pâtes, riz, biscuits, pommes, café, lait en poudre, céréales et fruits secs seront la base de notre alimentation. Une plaque de chocolat suisse servira de soutient psychologique en cas de coups durs. Du gaz pour le réchaud en suffisance, tout l’équipement de cuisine et de camping. Les sacs sont donc allégés au maximum (ce qui est très relatif vu le poids de la bouffe) et donc vidés du superflus que nous laisserons à la pension.

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Valérie frissonne et carbure à l’anti-grippal. En ville, nous rencontrons Julien, Patrick, Matthieu Claire et Bertrand qui s’attaquent au circuit dit du « W ». Clément, fiévreux restera à Puerto Natales.

Nous sommes prêts. Le départ est fixé au lendemain à six heures quinze. Le vent souffle toujours aussi fort, chassant de petits nuages bas et gris qui caracolent au-dessus des toits rouillés de la ville.

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Puerto Montt – Puerto Natales – jour 4
février 212008

Jour deux cent septante quatre. Air et mer sont d’un gris un peu mornes. Les eaux sont calmes. Le petit homme trapu aux cheveux gris coupés en brosse donne ses ordres d’une voie tranquille et posée. Le capitaine connait la route et les caps par coeur. L’officier à la barre tapote sur de multiples boutons et autres manettes. L’Evangelistas zigzague aux travers des innombrables îlots du canal White.

C’est déjà la fin de la croisière, la remontée vers Puerto Natales et l’entrée dans le « Seno Ultima Esperanza ». Ultimes parties de chibre. On échange les adresses et prépare les bagages.

Nous débarquons sous une pluie fine dans une ville de bout du monde qui n’a pas loupé le virage du tourisme. Toujours les mêmes façades de tôles, derrière lesquelles se cachent des restos à touristes et autres magasins d’articles de randonnées. Nous sommes aux portes du célèbre Parc National de Torres del Paine, la mecque du trekking.

En soirée, nous mangeons une dernière fois tous ensemble. Julien a effectué une bonne partie de la traversée cloué au lit par une mauvaise grippe. Clément en ressent déjà les premiers symptômes et Valerie n’est pas au mieux de sa forme. Nous comparons nos plans pour le lendemain. Certains s’engageront rapidement dans le parc pour profiter du beau temps. Nous préférons passer un peu plus de temps en ville et préparer tranquillement notre excursion.

De retour à la pension, nous rencontrons deux irlandais qui traversent le continent à moto du sud au nord. Ils reviennent des « Torres » après y avoir passé huit jours. Ils sont fatigués mais heureux et nous confortent dans l’idée de nous lancer dans le grand circuit de 120 kilomètres.

Nous faisons aussi la connaissance d’Alfred, un catalan amateur de montagne. Il voyage seul et souhaite aussi s’attaquer à la grande boucle. Nous marcherons donc ensemble.

Bien au chaud dans les gros duvets de la « Nancy Guesthouse » nous nous endormons en écoutant les bourrasques et la pluie taper sur les vitres de notre chambre.

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Puerto Montt – Puerto Natales – jour 3
février 202008

Jour deux cent septante-trois. Mer agitée. Le ciel est toujours gris et pluvieux. Dans quelques heures nous quitterons le Golf de Penas pour entrer dans le Canal Messier. Les vagues viennent maintenant taper la coque latéralement provoquant un joli roulis. A l’heure du petit-déjeuner, il est conseillé de ne pas regarder la mer. La ligne d’horizon joue à cache-cache, disparaissant à bâbord pour réapparaître à tribord, occasionnant de petits hauts-le-coeur.

Dans l’après-midi, le bateau quitte sa route pour rendre visite à l’un des bras du « Hielo Patagonico Sur » . Un glacier continental gigantesque, monstre de glace de trois cent cinquante kilomètres de long et de seize mille huit cent kilomètres carrés. Il s’agit de la troisième calotte glaciaire au monde après l’Antarctique et le Groenland, la réserve d’eau douce la plus importante d’Amérique du Sud.

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Des dauphins viennent faire les fous devant la coque. Soudain, la mer change de teinte, passant d’un gris vert et sombre à un gris laiteux aux reflets turquoises. Cette coloration est due aux sédiments en suspension dans les eaux provenant des glaciers environnants. Le «lait du glacier». Le géant apparait au loin. Grosse masse bleuâtre. Ici et là, des icebergs flottent dans le fjord. Tous les passagers sont agglutinés à l’avant pour immortaliser le moment.

L’Evangelistas reprend sa route. Il est attendu à Puerto Eden. Ce petit bled de pêcheurs est perdu au milieu de l’immense Parc National « Bernardo O’Higgins » sur l’Isla Wellington. Deux cent cinquante personnes vivent ici isolées du monde dans ce qui était au départ un relais pour une ligne d’hydravions expérimentale de l’armée chilienne.

Le ferry est le seul lien entre le village et le reste du pays. C’est lui qui achemine les vivres et le courrier. C’est lui qui conduit les enfants au collège de Puerto Montt. Des dizaines de petits bateaux l’attendent impatiemment dans la crique. Au crépuscule, l’on distingue sur la côte les lueurs des petites habitations de bois peintes de toutes les couleurs.

Nous laissons Puerto Eden pour entrer dans la dernière nuit du voyage. L’équipage a organisé un loto et une disco. Alors que les passagers se trémoussent sur d’improbables rythmes sud-américains, nous préférons le calme du poste de pilotage plongé dans l’obscurité avec pour seule musique le « bip » du radar et le ronronnement des machines.

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Jour deux cent septante deux. Mer calme, ciel gris chargé de nuages et petite pluie froide. A bâbord, l’on distingue les crêtes de l’Île Magdalena. Petit-déjeuner copieux après une nuit de sommeil parfaite.

Le poste de pilotage est ouvert aux passagers. Nicolas reste un long moment devant la table à carte, fasciné par le parcours corrigé toutes les heures au crayon et compas. Nous profitons d’un temps plus sec pour aller lire sur le pont supérieur. Veste et bonnet sont de rigueur.

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Nous croisons une patrouille de la marine de guerre chilienne. Par moment, les rayons du soleil percent l’épaisse couche de nuage et viennent éclairer les forêts de cyprès qui couvrent les côtes inhabitées et morcelées de cette partie du monde.

De temps à autre, des phoques viennent jouer autour de nous, silhouettes noires et luisantes dans les eaux argentées.

En fin de journée, on nous informe que nous entrerons dans le Golf de Penas dans la nuit. Le capitaine s’attend à des creux de dix à quinze mètres. Distribution de pastille contre le mal de mer.
Vers une heure du matin, nous nous retrouvons avec Laurent à l’avant du bateau. La proue se lève, pour sortir de l’eau. Légère impression d’apesanteur. Et puis, dans un grand bruit sourd, l’ Evangelistas retombe écrasant les prochaines lames de sa lourde masse. On admire ce spectacle, trempés en se cramponnant au bastingage.

Dans les couchettes, le bruit est relativement impressionnant mais l’absence de hublot rend la partie plus facile. Encore une fois, nous dormirons comme des loirs.

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Puerto Montt – Puerto Natales – jour 1
février 182008

Jour deux cent septante et un. Assis sur le quai de Puerto Montt, on le voit arriver de loin. Le ciel s’est dégagé et l’on aperçoit vaguement la Cordillère des Andes derrière la coque rouge du Ferry « Evangelistas ». Notre bateau semble minuscule en comparaison avec le cargo « Grand Fortune » qui appareillait sous nos yeux il y a quelques minutes, mais son état semble excellent ce qui est loin d’être le cas du gros navire noir et rouillé battant pavillon libérien.

Nous embarquons avec cinq heures de retard sur l’horaire. A bord, la propreté est exemplaire ce qui nous change de notre dernière expérience de ce type sur la Mer Caspienne. Nous découvrons les cabines dites « C », vaste dortoir composé de onze lits superposés avec armoires de rangements (sécurisées) et d’un bloc sanitaire. L’espace est confiné, mais bien étudié et les matelas semblent confortables.

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Nous retrouvons l’équipe de voyageurs avec qui nous avions sympathisé à terre. Clément et Matthieu deux romands de Morges et Lausanne et Patrick de Baden. Claire et Bertrand un couple d’alsaciens en vadrouille ainsi que Julien et Laurent deux autres français. Nous sommes vraiment surpris par le grand nombre de suisses parmi les passagers (nous rencontrerons une bonne quinzaine de compatriotes).

A l’heure du souper, nous quittons Puerto Montt. Les volcans Osorno et Hornopiren semblent sortir de leur brume pour nous saluer. Deux cônes enneigés dans la lumière du soir. Le soleil se couche sur la Baie de Reloncavà­.

Entre deux parties de chibre, Clément (qui lit les journaux locaux) 😉 nous explique les raisons du retard de l »Evangelistas ».

Voici donc l’histoire qui a dû plonger les passagers précédents dans une ambiance très particulière:
Alors qu’il quittait, dans la nuit du 15 février, Puerto Natales pour Puerto Montt (le trajet inverse au nôtre), une passagère anglaise de quarante et un ans passablement éméchée se jeta par-dessus bord après une dispute avec son ami. Par 51 degrés sud, les eaux du Pacifique ne pardonnent pas ce genre de baignade. L’équipage du ferry eu donc la lourde tâche de retrouver le corps, à l’aube et de le ramener à Puerto Natales. Ironie du sort, ce triste incident eu lieu dans le « Seno (Fjord) de Ultima Esperanza »…

Nous nous endormons avec pour berceuse le ronronnement des diesels alors que l'”Evangelistas » entre dans le Golfe de Corcovado.

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Un petit goût de Normandie

Un petit goût de Normandie

Ancud, Isla de Chiloe, Chili

février 172008

Jours deux cent soixante-sept à deux cent septante. Valparaiso, 33e parallèle sud. Castro, 43e parallèle sud. Dix-neuf heures de léthargie baveuse pour parcourir en bus, les milles trois cent kilomètres qui séparent les deux villes. Heureusement pour nous, les pullmans de la république sont d’un confort inespéré.

« Vous verrez, l’Ile de Chiloé est un endroit à part. » Nous avait dit un chilien. A Chacao, à la descente du bac, nous ne sommes pourtant pas dépaysés. Des côtes sauvages dominées par de petites collines parsemées de forêts, des vaches et moutons qui broutent dans un paysage très vert et un peu triste. Il y a un peu de Normandie et de Bretagne dans tout cela. A Castro, la capitale, la gare routière est bondée de touristes indigènes (en vacances d’été) qui affluent de tout le pays.
l’Isla Grande de Chiloé est la deuxième plus grande île du Chili après la Terre de Feu. Le littoral pacifique est sujet à de fréquentes pluies accompagnées de vents violents. A l’ouest, des dizaines de petites îles et presqu’îles plus protégées abritent la plupart des agglomérations. Les premiers colons arrivèrent ici en 1567 et s’imposèrent rapidement en montant les différentes tribus d’indiens mapuches les unes contre les autres. Très fidèles à leur Espagne d’origine, ils furent les derniers (en 1826) à rallier le Chili indépendant après de nombreuses batailles.

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Le coin est réputé pour ses innombrables églises en bois au style si particulier. Nous cherchons en vain à louer une voiture pour les visiter. Tous les véhicules sont pris d’assaut. La faute au « Festival Costumbrista » et à la « Feria de Biodiversidad » qui (nous l’apprendrons plus tard) se déroulent au nord de la ville.

Un peu déçus, nous décidons de remonter vers le nord de l’île à Ancud, où nous trouvons une pension rigolote. Cet ancien bastion militaire espagnol fut créé ici pour protéger la route du Cap Horn. En 1960, un tremblement de terre suivi d’un gigantesque tsunami détruisirent une grande partie de la côte orientale et la totalité de la ville y compris sa cathédrale.

Nous partons en taxi à Pinihuil pour aller dire bonjour à des colonies de manchots de Humboldt et autres pingouins de Magellan nichant sur une série d’îlots à quelques centaines de mètres de la plage. Sympathique balade en canot moteur au milieu des cormorans et autre loutres marines.

A Ancud, les nuits d’été sont très fraîches et souvent pluvieuses. En soirée, nous nous réfugions donc dans les petits bistrots enfumés du port où nous nous régalons de plats de poisson succulents et très bon marché. Les odeurs de friture, de cigarette et de saumon nous suivrons ainsi pendant plusieurs jours.

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Valparaiso !

Valparaiso !

Valparaiso, Chili

février 132008

Jours deux cent soixante-quatre à deux cent soixante-six. Une ville de pirates, de marins et de poètes. Les centaines de baraques bariolées accrochées aux collines forment un joli fatras de bois et de tôle. Des ruelles qui montent et descendent, des escaliers abruptes, des ascenseurs et funiculaires d’un autre temps, des grappes de fils électriques, des bagnoles sans pneus qui pourrissent dans les caniveaux, des chiens et des chats qui errent à droite et à gauche et de vieux trolleybus suisses qui grincent en secouant leurs remorques sur des grilles d’égouts mal fixées.

Valparaiso, c’est d’abord une large baie offrant depuis des siècles protection aux marins qui naviguent dans les eaux du Pacifique. Un port de commerce créé en 1544. Pillé et adoré par les pirates et autre aventuriers comme l’anglais Francis Drake. Une ville détruite à de maintes reprises par de violents tremblements de terre. Et puis à l’époque de la ruée vers l’or californienne, Valparaiso devient une étape importante pour les navires européens qui passent le Cap Horn ou le Détroit de Magellan. Ce fut aussi une capitale de la finance et la ville la plus moderne de tout un continent avant de tomber dans l’oubli en 1914.

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La faute au Canal de Panama. La faute au chemin de fer qui sillonne désormais les amériques du nord au sud. La faute aux nouveaux bateaux à vapeur qui s’arrêtent plus au nord, à proximité des mines de charbon. Les banques quittent la côte pour s’installer à Santiago. La classe moyenne dresse ces maisons de vacances à Vina del Mar et Valparaiso se meurt petit à petit.

Dans les années soixante, la ville est réveillée de tant à autre par l’arrivée de la septième flotte américaine qui vient y faire découiller ses GI’s. Début septante, le nouveau gouvernement d’Allende met un terme aux orgies et les ricains s’en vont faire la fête ailleurs, pour ne plus revenir.

Valparaiso, une ville décrépie et rafistolée, une ville sale et pas toujours sûre. Presque tous les résidents de notre pension se sont fait voler leur portefeuille, appareil photo et autre collier dans les rues sombres. Une ville que l’on aime (ou pas). Une ville qui a une âme, une histoire et du caractère. On déambule. La Place Sotomayor et son monument gardé par deux soldats à pompons. Le port avec les vaisseaux sinistres et gris de la marine chilienne amarrés à la jetée. Un incendie au loin dans les collines et la foule qui s’amasse sur les docks pour admirer la colonne de fumée. Les jardins flamboyants de « La Sebastiana », la maison tarabiscotée de Pablo Neruda et la villa superbement situé du caricaturiste Lukas.

De son vrai nom Renzo Pecchenino, ce dessinateur de presse d’origine italienne a toujours vécu à Valparaiso. Son trait est vif et précis, ses noirs et blancs sublimes. Ce gars-là tenait une véritable passion pour ce coin de pays. Un soucis presque maniaque des détails lorsqu’il croque un bâtiment, un voilier ou un autobus (il était architecte de formation). Ces dessins sont superbes et nous en apprennent plus sur la ville que n’importe quel guide de voyage. Nous resterons longtemps sur la terrasse de son mirador à admirer le mouvement des bateaux dans le port et à savourer ses caricatures et autres aquarelles.

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Flottement(s)

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Santiago, Chili

février 102008

Jours deux cent soixante-deux à deux cent soixante-trois. Arturo Merino Benitez . Le créateur et ancien commandant de la « Fuerza Aérea de Chile » donne son nom à l’aéroport de Santiago. Le patronyme d’un militaire en guise d’ouverture sur le monde pour un pays qui compte deux Prix Nobel de littérature. Quel dommage ! Chez Arturo, les formalités de douanes sont expédiées en quelques minutes, ce qui n’est pas le cas pour les ressortissants américains qui doivent, eux, s’acquitter d’une taxe « especiale ».

Nous voici donc au Chili. Nouveau continent, nouveau pays, nouvelle langue et… nouveau guide de voyage. Flottements, hésitations, les prises de décisions sont plus lentes et plus difficiles. Fidèles à nos habitudes, nous n’avons rien réservé et rien préparé à l’avance. Les cours d’espagnol que Valérie a suivi avant notre départ nous permettent de trouver un logement dans le quartier de l’Université catholique. Premiers kilomètres en bus et métro. Le dépaysement n’est pas flagrant. Santiago est une grande ville très « européenne ». A la pension nous partons à la récolte d’informations pour la suite du périple. On discute, on échange les bons plans avec d’autres voyageurs qui reviennent de Patagonie. Nous décidons de racheter une tente de camping à un couple d’australiens qui termine ici son séjour sud-américain.

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Le lendemain, nous nous aventurons dans le centre-ville. Nous avions rencontré plusieurs personnes qui s’étaient fait voler leurs effets en pleine rue, nous restons donc sur nos gardes.

Le Cerro Santa Lucia, petite colline constellée de fontaines et de statues est dominé par les restes d’une ancienne forteresse. Quelques vieux canons rouillés, des amoureux qui se bécotent et une vue globale sur la cité qui s’étend autour de nous à perte de vue. Six millions d’habitants (près de quarante pour cent de la population du pays) vivent ici au pied des Andes et à une petite centaine de kilomètres de l’Océan Pacifique.

On s’aventure dans le « Museo Nacional de Bellas Artes » où nous nous laissons séduire par deux belles expositions. L’une traite de l’architecture dans les pays nordiques et de l’intégration des bâtiments dans des zones à climats extrêmes. Dépaysant. La seconde, est une magnifique rétrospective de l’oeuvre de l’architecte colombien Rogelio Salmona, assistant du Corbusier et connu pour son usage abondant de la brique en terre cuite. Il eut la chance de pouvoir réaliser d’énormes projets dans son pays.

Sur la « Plaza de la Constitucion », devant le « Palacio de la Moneda » trône la statue de Salvator Allende. Ce président à lunettes décéda pendant le coup-d’état de 1973 (fomenté notamment par la CIA américaine) et qui installa le Général Pinochet au pouvoir pendant dix-sept ans. Si vous en avez l’occasion, jetez un oeil à l’excellent film de Costa-Gavras « Porté disparu » (Missing, 1982 ) qui relate bien les évènements de cette période. Durant ces années de dictature militaire, des milliers de chiliens et chiliennes furent torturés et assassinés par la junte. Le vieux Pinochet qui est mort en 2006, échappa à tout jugement après une impressionnante saga judiciaire.

La plus riche nation du continent a élu une femme socialiste à sa présidence en la personne de Michelle Bachelet, ancienne prisonnière politique et opposante au régime militaire. Juste retour des choses ?

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