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Beaucoup de blanc pour rien

Beaucoup de blanc pour rien

Uyuni - Bolivie

Jour trois cent vingt-neuf. Levés avant l’aube, frigorifiés comme il se doit par l’air sec du petit matin. Les premiers pas sur la croûte du “Salar” nous procurent les mêmes sensations qu’une ballade sur un chemin de neige tassée. Même crissements sous une semelle qui se sent tout à coup très légère. Le sol est d’un bleu polaire sous un ciel qui vire à l’orange. On sautille sur place pour se réchauffer. Le soleil se lève, grosse boule de feu sur l’horizon.

Le Land Cruiser fonce sur l’immense étendue blanche. L’impression d’être en mer, de rouler sur l’eau tel des Jésus Christ en 4×4. Les repères visuels disparaissent, nous voici dans une autre dimension, le grand blanc, un endroit à part perché à plus de trois mille sept cent mètres d’altitude, douze kilomètres carrés de platitude virginale.

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Le “Salar de Uyuni” est l’une des attractions touristiques majeure du pays. Mais il attire également la convoitise de nombreux rapaces occidentaux et chinois. La faute au lithium dont les sols du “Salar” abritent le tiers des réserves de la planète. La demande au niveau mondial est si forte, (notamment pour la production de batteries en lithium-ion pour le marché de l’informatique et de la téléphonie) que depuis 2003, le prix de ce métal est passé d’environ 350 dollars la tonne, à près de 3000 dollars en 2008. Le gouvernement socialiste d’Evo Morales l’a bien compris. Il vient de lancer un projet d’exploitation de ce minerais à large échelle dans la région d’Uyuni,en interdisant toutes concessions aux sociétés étrangères. L’incomparable richesse du sol tranche ici avec l’extrême pauvreté de la population, la Bolivie étant le plus pauvre pays du continent sud-américain.

Nous nous arrêtons à proximité d’une “île” pour le petit-déjeuner. Alors que Felicia, en jupette et chapeau melon traditionnel, sort les brûleurs pour chauffer le café et préparer le repas de midi, nous en profitons pour grimper au soleil sur le gros monticule de corail parsemé de cactus géants qui se dresse devant nous.

Colchani vers midi. Maisons de sel et de pisé, une église décrépie en bordure d’une place du village désertique. Quelques affiches électorales déchirées. “Evo Président, le peuple vaincra !” Des lignes électriques croisent le fer avec d’improbables antennes TV délicieusement tordues et pointant vers le ciel.

Une fratrie de porcelets reniflant entre les rails guette le moindre déchet à se mettre sous la dent. Là-bas quelques très jeunes hommes chargent du sel à la pelle dans une semi-remorque décatie. Partout, les petits cônes blancs attendent que le soleil les vide de leur humidité. Le sel, c’est l’autre richesse de la région. Le “Salar” c’est une réserve estimée à dix millions de tonnes d’or blanc.

A Uyuni, chef lieu de la région, nous quittons nos chauffeurs et notre cuisinière. Les Spice Girls quant à elles sautent dans le premier bus pour continuer leur périple post-collégial.

Avec Odette et Christian, nous nous trouvons une chambre dans une pension située derrière la caserne d’un régiment de cavalerie. Le son des tambours et trompettes militaires nous accompagne pendant la sieste.

En soirée, nous marchons jusqu’au sud de la ville pour visiter un étrange cimetière de train. Carcasses rouillées sur fond de solitude. Lumière dorée pour ces dizaines de locomotives sans vapeurs qui nous rappellent que ce coin de pays était l’un des noeuds ferroviaires le plus important du continent. Jonction des lignes arrivant de La Paz au nord, d’Antofagasta sur la côte chilienne à l’ouest, de Potosi à l’est et de Villazon (près de la frontière argentine) au sud.

Le soleil se couche sur les rails et les gravats. Le vent du soir s’en vient agiter les milliers de sacs plastiques pris dans les épineux. Odeurs de poubelles et de pisse, les faubourgs déjà. Quelques ivrognes nous toisent du regard. On ne s’attarde pas. Le son du tambour, la jeune sentinelle au casque blanc, les fils de fers barbelés. Notre petit tour dans le Sud-Lipes s’achève.

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